Chapitre 27 - L'offensive

20 3 0
                                    

Après un périple de cinq mois, ils orbitaient autour de Karajou depuis près de dix jours locaux. Ils avaient passés les huit premières journées à observer bien sagement du haut des airs ce qui se tramait à la surface. Dès les premières heures, Ganek pu s'infiltrer dans le système de communication planétaire et l'équipage comprit aussitôt que les rebelles humanidés contrôlaient l'ensemble de la planète. De toute évidence, ceux-ci se préparaient à contrer une riposte ramienne en massant des troupes à divers endroits stratégiques, dont la capitale. Par contre, les deux autres villes de Karajou semblaient à peu près désertes, ce qui incita le docteur Dilmer à descendre à la surface pour aller faire du repérage. Hawwa et Eshram représentaient leurs atouts les plus précieux pour ce genre de mission : ils pouvaient se fondre dans la masse sans se faire remarquer. Et pour mieux se dissimuler, Hawwa portait sa longue chevelure en chignon sous un chapeau de paille, car aucune des femmes qu'elle croisait n'avait une chevelure aussi longue que la sienne. Eshram venait quant à lui de couper ses longs cheveux en adoptant la coupe militaire, omniprésente dans la population masculine de Nidja.

Les deux jeunes protégés du docteur marchaient sous la pluie dans les rues de la cité. S'il s'agissait de leur deuxième visite en autant de jours sur Karajou, ils évoluaient parmi les rebelles pour la première fois. La veille, ils s'étaient limités à inspecter des lieux déserts pour ne pas risquer de trahir leur présence. Frustrés, et surtout convaincus qu'ils n'arriveraient à rapporter aucune observation utile s'ils ne parvenaient pas à se rapprocher de leurs congénères, ils avaient réussi à convaincre le docteur de les laisser parcourir les rues principales de Nidja au cours de leur deuxième sortie, à la condition d'éviter tout contact direct avec la population locale.

Quant au docteur Dilmer et au capitaine Stoffer, ils surveillaient leurs deux agents à bord de la navette d'exploration posée en retrait de la ville, prêts à leur porter secours. Les capacités furtives du petit engin, identiques à celles de leur vaisseau spatial, leur permettaient de se déplacer à la surface de la planète tout en demeurant indétectables aux radars conventionnels déployés sur Karajou.

Hawwa et Eshram venaient de traverser la place centrale de la petite ville et malgré l'averse, ils se laissèrent surprendre par l'animation dans les rues. Partout, des humanidés s'activaient, en groupe ou en solitaire. À l'exception de quelques immeubles mal-en-point, dont un ancien hôtel calciné face à eux, les bâtiments paraissaient pour la plupart en bon état et certains semblaient encore occupés. Ils s'émerveillèrent un moment devant un groupe de jeunes de leur âge qui dansaient au son des tambours. Ils ignoraient tout de la banjada, mais la danse leur parut très physique, à la fois gracieuse et agressive. L'incroyable agilité de ses interprètes les stupéfia.

Ailleurs dans les rues, ils dénombrèrent au moins trois équipes de travailleurs qui chargeaient une plateforme de transport en vidant des immeubles de leur contenu. Mais dans l'ensemble, la foule ne faisait que passer. Ils remarquèrent que tous marchaient ; il y avait peu de véhicules dans la ville et, plus impressionnant encore, pas un seul ramien. Se promener en toute liberté dans un endroit peuplé d'humanidés qui semblaient pouvoir agir à leur guise leur paraissait surréel, formidable. Ils déambulaient depuis une bonne heure quand la microsphère personnelle d'Eshram, qu'il cachait dans la poche de son pantalon, commença à lui chauffer la peau. Il sut aussitôt que le docteur cherchait à les rejoindre.

Ils avaient convenus de ne pas utiliser la misp en public, puisque les humanidés, à leur connaissance, ne semblaient pas en utiliser. Par chance, ils se trouvaient à proximité d'un boisé et Eshram prit sa compagne par la main pour l'entraîner à l'abri des regards. Ils avaient vu d'autres couples faire de même et le jeune homme savait qu'ils ne risquaient pas de se compromettre en feignant une balade amoureuse. Une fois dans la forêt, Hawwa s'assura qu'ils étaient bel et bien seuls tandis que son compagnon s'allongea sur un tapis de feuilles en activant la microsphère. Il glissa un petit écouteur dans son oreille gauche et Hawwa en fit de même en s'agenouillant près de lui. Il n'y eut pas d'image, seule la voix agitée du docteur:

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant