Chapitre 23 - L'amiral Chi-Vargas

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À la levée du conseil de l'amirauté, Chi-Vargas prit un moment pour surseoir à toutes ses obligations de la journée. La situation sur Karajou allait gruger tout son temps et l'amiral ordonna à sa garde rapprochée d'éviter de le déranger. Il retrouva ensuite les coordonnées de l'humanologue avec lequel il souhaitait s'entretenir. Le docteur Dilmer habitait à l'extérieur du périmètre impérial et il fit affréter son aéronef personnel pour aller à sa rencontre. Il devait agir sans délai car dans quelques heures à peine, le conseil se réunirait à nouveau pour faire le point sur la crise qui sévissait sur Karajou.

Chi-Vargas se dirigea d'un pas rapide vers la plateforme de décollage. Il ne lui fallut que quelques minutes pour rejoindre la passerelle d'embarquement, où un soldat vêtu de rouge montait la garde. Sans lui porter la moindre attention, l'amiral s'engagea sur la rampe d'accès et dès qu'il en eut franchi le seuil, un crissement le fit sursauter. Il pivota aussitôt sur lui-même pour identifier la source du bruit et s'aperçut que la porte coulissante derrière-lui venait de se refermer.

Il se retrouva isolé sur l'étroite passerelle. L'amiral porta aussitôt sa main à son arme de poing en regardant tout autour de lui. S'agissait-il d'un bris? Il en doutait. Le vitrage blindé de la structure d'embarquement le protégeait contre un tireur éloigné. Une embuscade à l'intérieur de l'aéronef l'inquiéta davantage. Quelques bonnes enjambées le séparaient encore du sas d'entrée du vaisseau. Devait-il s'y précipiter pour y trouver refuge ou allait-il plutôt rebrousser chemin et tenter d'ouvrir la porte? Debout sur la passerelle, à l'affût de la moindre menace, il hésita un moment sur l'action à prendre avant qu'un murmure à peine audible en provenance de la navette n'attire son attention. Il crut deviner une voix féminine; elle lui sembla familière, mais il n'arriva pas à la reconnaître. Au même instant, une silhouette se découpa dans la pénombre du vestibule, devant lui. D'instinct, il savait qu'un tueur n'aurait jamais pris le risque de se dévoiler. Il dégaina néanmoins son arme, ne sachant pas à quoi s'attendre. L'ombre s'avança d'un pas et un chuchotement, un peu plus fort cette fois-ci, se fit entendre :

« Ne tirez pas amiral, je suis une amie! » Elle s'empressa de découvrir son visage en relevant le chaperon de la cape furtive qu'elle portait pour se cacher. Chi-Vargas sentit un énorme poids se dissiper dans sa poitrine en reconnaissant l'amiral Gaustag, la chef des services secrets. Il n'avait pas à la craindre, une amitié sincère liait depuis longtemps ces deux membres du conseil de l'amirauté. Elle lui fit signe de s'approcher. Une fois à l'abri des regards indiscrets, à l'intérieur de l'aéronef, elle reprit :

« Je ne voulais pas vous inquiéter, je suis désolée amiral. Je dois vous parler. Nous n'avons que quelques minutes avant votre départ, alors il faut faire vite pour ne pas éveiller de soupçons. Le premier-consul ne devra rien savoir de cette rencontre. Nous sommes seuls et mon brouilleur est activé; personne ne peut nous entendre. » Certaine de pouvoir compter sur sa discrétion, elle ne lui donna pas le temps de répondre. Elle continua en fixant Chi-Vargas droit dans les yeux :

« Je viens reprendre une discussion que nous avions débutée il y a cinq ans, juste avant votre nomination au conseil. Vous et moi partagions des opinions similaires à propos de la conduite du premier-consul à l'époque. Je vous avais conseillé le silence, vous souvenez-vous?

- Oui, je m'en souviens. Je vous ai écouté et quelques mois plus tard, on me nommait au Conseil. Grâce à vous.

- Vous le méritiez, je n'ai fait que mon devoir pour protéger les intérêts supérieurs de Semarkande. Pourtant, cet Empire que nous aimons tant se meurt toujours. Rien n'a changé. Au contraire, il me semble que le premier-consul se montre de moins en moins digne de la confiance de notre Altesse.

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant