Chapitre trois

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« Jacques Godbout a dit : "Souvenir. Ce qui reste après le geste." J'ai peur de reproduire les mêmes gestes avec lui et d'oublier mes souvenirs avec elle. » - Harry

"Tu as vu les derniers résultats du match ?

- Ouais ! Manchester a assuré.

- Putain, c'est clair.

- Bon les gars, en parlant de match, vous êtes prêts pour celui de ce week-end ?"

On traverse la cafétéria mais je ne les écoute plus. Je ne les écoute plus parce qu'il est là au fond de la salle assis seul à une table en train de lire. Il a recommencé. Encore. Il y a trois jours, la nuit où il a débarqué dans ma chambre au bord des larmes, il a recommencé. Il s'est tiré. Le lendemain, je me suis une fois de plus réveillé seul. Il avait disparu comme d'habitude, ensuite ça a été le silence radio. Je ne l'ai pas revu, il n'est pas revenu en cours et il n'a pas non plus répondu à mes mails. Je ne supporte plus qu'il fasse ça. Qu'il parte comme ça et qu'après, il disparaisse plusieurs jours sans donner de nouvelles. Je m'inquiète pour lui et je cherche à chaque fois ce que j'ai fait de mal. Enfin je veux dire que je dois bien merder quelque part pour qu'il parte comme ça, non ? Il ne peut pas partir sans raison, il y a bien quelque chose. Surtout que la dernière fois, il n'allait vraiment pas bien. "Oh Louis ? Tu viens ?" Jake me sort de mes pensées, ils se dirigent vers une table. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'avais de cessé de marcher. "Heu, ouais allez-y, je vous rejoins tout de suite."

Je souffle pour me donner du courage et me dirige vers lui. Pas que j'ai peur de l'affronter mais il est tellement renfermé, que parfois je ne sais pas comment lui parler sans avoir peur qu'il ne se renferme encore plus. Je pose mon sac au sol et me laisse tomber sur la chaise face à la sienne. Aucune réaction, il ne bouge pas, ne relève pas la tête. Bon... ça commence mal. J'en déduis qu'il n'a pas envie de parler sauf que cette fois, moi j'ai envie de parler. Je sens la colère monter en moi parce que c'est carrément frustrant, on dort ensemble et à chaque fois, il se tire dans la nuit et disparaît sans aucune explication. J'ai besoin de savoir, j'ai besoin de comprendre. "Tu comptes m'expliquer ?" Ma voix a été un peu plus sèche que je ne l'aurais voulue, pourtant il ne relève toujours pas la tête vers moi.

"Non.

- Comment ça, non ?"

Je vois ses yeux bouger. "On a retiré ton attelle ?" Oui et le coup du changement de sujet, il ne me l'avait jamais encore fait, sauf que je n'ai pas l'intention de marcher, pas du tout même. Moi aussi je peux être borné quand je veux, et là j'ai décidé de l'être.

"Pourquoi tu te tires comme ça à chaque fois ?"

Je le sens se crisper et serrer les mâchoires.

"Je n'ai pas envie d'en parler."

Et sans me laisser le temps de répondre, il ferme brusquement son livre et s'en va. Comme ça. Sans un mot, sans un regard. J'ai l'impression de me retrouver face au Harry du début, celui qui se tirait tout le temps en pleine conversation. Je le regarde ébahi traverser la cafétéria. Il ne peut pas se tirer comme ça, ce n'est pas possible... Faut croire que si puisqu'il vient de franchir les portes. Je mets plusieurs secondes avant de réagir. J'ai l'impression d'halluciner, je sens mes nerfs monter. Je sais que je l'ai brusqué et que si je continue, je risque de l'énerver mais tant pis, cette fois je ne peux pas le laisser partir comme ça. C'est moi qui vais devenir dingue, s'il ne me donne pas d'explications. J'ignore les regards des gars de l'équipe qui sont tous braqués sur moi. Je ramasse mon sac et me lance à sa poursuite.

Il marche tellement rapidement qu'il est déjà au milieu du couloir quand je le rattrape. Je le retourne par le coude pour qu'il soit face à moi.

DEGRADATION Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant