Chapitre onze

30.4K 1.3K 2.2K
                                    

Je crois en nous.

« Baruch Spinoza a écrit : "La peur ne peut se passer de l'espoir et l'espoir de la peur." J'ai l'impression d'échouer quoi que je fasse. J'ai le sentiment de lutter en vain contre des peurs qui détruisent tous mes espoirs. Elles sont plus fortes que moi, je n'arrive pas à les dépasser, à les combattre. Je n'en ai pas la force. » - Harry

J'ai toujours cru que dans les histoires d'amour, le plus dur était de tomber amoureux. De se trouver parmi plus de sept milliards de personnes. Se rencontrer, apprendre à se connaître, se découvrir l'un l'autre. S'aimer. Je pensais que le plus important, c'était le avant la relation, quand on se cherche encore. C'est vrai, quand on regarde ces conneries de films à l'eau de rose que les filles adorent, souvent toute l'histoire se passe avant que les personnages se mettent réellement ensemble. On les regarde tomber amoureux et une fois que c'est fait, une fois qu'on sait qu'ils s'aiment, le film est terminé. Fin de l'histoire. Je me suis bien planté. Ce n'est pas ça le plus dur dans une histoire d'amour, ce n'est pas de trouver la bonne personne et tomber amoureux. Non. Le plus dur c'est le après. Aimer c'est facile, aimer la personne comme elle a besoin d'être aimée, c'est beaucoup plus difficile. Je ne connais pas les règles de l'amour, mais je crois qu'avec Harry, on a tout fait à l'envers. Je l'ai aimé avant même de le réaliser. Tomber amoureux de lui n'a pas été difficile car je ne m'en suis pas réellement rendu compte. Je ne saurais même plus comment c'est venu ou comment ça a commencé. Je me suis senti changer sans vraiment comprendre. Je me suis senti dépendant de lui sans vraiment le voir. Puis un jour, j'ai ouvert les yeux et je l'aimais. C'était comme ça, c'était en moi. C'est comme quand on tombe malade. On s'endort le soir en pleine forme et on se réveille le lendemain matin malade comme un chien, on ne sait pas ce qu'il s'est passé dans la nuit, pourtant on est là avec notre fièvre et on doit se démerder avec. C'est la même chose. Je n'étais pas amoureux, puis un jour j'ai ouvert les yeux et j'ai réalisé que je l'étais.

Je n'ai pas besoin de mots pour savoir qu'il m'aime. Il m'aime comme je l'aime et normalement c'est là que l'histoire aurait dû se finir. On est amoureux, on est ensemble, le film est terminé. Sauf qu'on n'est pas dans un film et que les films nous privent de la partie la plus belle d'une histoire. Parce qu'après être tombé amoureux, il y a une autre étape : Apprendre à aimer. Je veux aimer Harry comme il mérite de l'être. Je veux qu'il se sente aimé, comme lui me fait me sentir aimé. Mais j'ai peur de ne pas savoir comment faire. J'ai peur de ne pas savoir m'y prendre. J'ai peur de ne pas savoir l'aimer.

Ça fait seulement trois jours qu'on s'est réveillés ensemble dans ma voiture. On essaie de se relever de ce qu'il s'est passé ce soir-là. On a décidé de commencer en reconstruisant sa chambre ensemble. Parce qu'en la reconstruisant ensemble, en changeant tous ses meubles, qu'il a détruits, en refaisant la peinture, en lui faisant une nouvelle chambre, c'est comme si l'on recommençait à zéro. Qu'on repartait sur de nouvelles bases, sans effacer pour autant les anciennes. Son ancienne chambre représentait le passé et nous on veut voir l'avenir qui nous attend. Ce n'est peut être qu'une métaphore stupide, mais je crois qu'on a en besoin, l'un comme l'autre. Autant lui que moi. J'ai peur. Le savoir malade, le savoir dépendant de la drogue, savoir qu'il se fait du mal, ça m'effraie. Ça m'effraie parce que je me sens impuissant face à ça. J'y pense tout le temps même si je ne dis rien. Je ne sais pas quoi dire en réalité. C'est vrai, qu'est-ce que je suis censé dire ou faire ?

"Hey bébé, arrête la drogue c'est pas bien et arrête d'abîmer ton corps aussi."

Il le sait déjà tout ça. Je me sens totalement impuissant et inutile et ça me rend malade. J'aimerais l'aider, le sortir de tout ça, mais j'ai le sentiment de ne pas en avoir les moyens et c'est frustrant, oppressant. Alors je l'aime. J'essaie de l'aimer de mon mieux, de lui faire comprendre que je l'aime et même si je ne dis rien, je le surveille à ma façon. On ne s'est pas quittés depuis trois jours. Son père est encore à New York pour quelques jours et nous, on a passé notre temps à s'occuper de sa chambre. Aller dans les magasins choisir de nouveaux meubles, se les faire livrer, les monter -AU SECOURS. Heureusement qu'il est plus doué que moi pour ça. J'aime faire tout ça avec lui et... et comme ça, il est avec moi, je l'ai sous les yeux et au moins je sais qu'il ne fait pas de conneries. Depuis le matin dans ma voiture il ne s'est pas re-réveillé une seule fois à mes côtés, mais il était là. Il était là à chaque fois, soit dans le lit, (enfin, son matelas qu'on a traîné jusque dans son dressing le temps des travaux), soit dans la maison, soit déjà en train de peindre. Mais il n'était jamais absent et c'est un pas en avant énorme. Il ne fuit plus comme avant, mais par moment j'ai le sentiment qu'il m'échappe. J'aimerais trouver les bons mots pour expliquer ce que je ressens, mais il y a ces moments où j'ai l'impression qu'il n'est pas là, qu'il s'est enfermé dans son monde à lui et qu'il m'empêche d'y entrer. J'aimerais être capable de savoir, de comprendre ce qu'il se passe dans sa tête mais il se ferme complètement à moi. Comme ce matin.

DEGRADATION Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant