Chapitre cinq

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« Hervé Bazin a écrit : "Faire confiance participe toujours de la confiance en soi." J'ai confiance en lui, c'est de moi dont j'ai peur. » - Harry

Finalement je n'ai pas réussi à dormir de la nuit. Six jours que je ne dors presque plus maintenant. Après notre conversation, je suis resté allongé sur mon lit dans le noir, à fixer le vide en pensant à lui. Je me suis torturé l'esprit pour trouver comment lui dire tout ce que je sais. Je n'ai pas été en cours aujourd'hui, je suis trop crevé. Je ne suis pas habitué à dormir si peu. J'ai même besoin de beaucoup d'heures de sommeil pour être en forme, mais en ce moment je n'y arrive pas. Trop de choses tournent dans ma tête tout le temps. Il faut que je lui parle, maintenant. Je ne veux plus attendre, je ne peux plus attendre. J'ai peur de ne plus avoir le courage si j'attends trop. J'ai peur de sa réaction, j'ai peur qu'il m'en veuille. Je ne supporterai pas de le perdre. Pendant des heures, j'ai cherché à savoir comment je réagirais moi, si les rôles étaient inversés. S'il en savait autant sur moi et qu'il me l'aurait caché. Mal. Je réagirais très mal je crois. Je me sentirais trahi, c'est pour ça que j'angoisse autant.

Il est 15 heures quand je monte dans ma Lamborghini en me répétant en boucle à voix haute le discours que j'ai préparé toute la nuit. Ce n'est pas compliqué.

Tu y vas, tu frappes à sa baie vitrée, tu parles et tu assumes les conséquences.

Je ne vais pas lui parler de tout, seulement de sa clé USB et de Samantha. Pour les médicaments, les lames et les scalpels, je ne peux pas. Même si je sais que je devrais, je ne peux pas. Je n'assume pas ce que j'ai fait, d'avoir fouillé dans sa salle de bain comme ça... Je n'avais pas le droit de le faire, ce n'était pas correct. S'il me laisse seul chez lui, c'est qu'il a confiance en moi et je ne supporterai pas de perdre cette confiance. Je risque d'en perdre suffisamment déjà avec ce que je vais lui dire, je ne peux pas tout lui balancer à la fois. Autant pour moi que pour lui, ce serait trop d'un coup et beaucoup trop dur surtout.

15h25 je remonte son allée avant de contourner la maison, je ne me pose plus la question maintenant. Il m'a dit de toujours me garer derrière, que je n'avais pas besoin de passer par-devant et ça me va très bien, comme ça, je ne croise pas son père.

Tu montes, tu frappes, tu parles, tu assumes.

Je souffle pour me donner du courage avant de descendre de ma voiture.

Tu montes, tu frappes, tu parles, tu assumes.

Ce n'est pas compliqué. Ouais c'est ça, en théorie. J'en lâcherais presque un rire ironique si je n'avais pas autant la trouille. Je monte les marches du vieil escalier en pierre de son balcon, quatre par quatre en me concentrant sur ce que je dois lui dire, je ne veux rien oublier. Je me pince l'arrête du nez en fermant les yeux. J'appréhende vraiment sa réaction, je ne veux pas le perdre à cause de mes conneries.

Tu parles, tu assumes. Tu parles, tu assumes.

Je me répète tellement ça en boucle dans ma tête que j'oublie de frapper. Je pousse la baie vitrée et je rentre rapidement tête baissée comme si le fait de ne pas le regarder pouvait m'aider. J'ai à peine mis un pied à l'intérieur que les mots sortent tout seuls de ma bouche à toute vitesse. Je déblatère, je ne suis même pas sûr que tout ce que je dis soit vraiment clair. Finalement, tout ce que j'avais passé des heures à préparer tombe à l'eau. Ce qui sort de ma bouche est un bordel sans nom qui n'a ni queue ni tête mais je ne peux plus m'arrêter de parler. Pas maintenant. Pas maintenant que j'ai eu le courage de commencer.

"Je suis au courant pour toi et Samantha. Tu as oublié ta clé USB dans ma voiture un soir et je n'ai pas pu m'empêcher de regarder ce qu'il y avait dedans parce que je suis curieux et que je suis un crétin. Un crétin curieux, j'ai vu les photos et j'ai compris que c'était ta petite amie, tu étais beau sur les photos, je ne t'ai jamais vu sourire comme ça, je n'avais pas le droit de regarder mais ça a été plus fort que moi et j'ai même imprimé une photo de toi, la seule où tu es tout seul, je l'ai sous mon oreiller, ok c'est complètement niais et tu as le droit de te foutre de ma gueule, mais ne m'en veux pas s'il te plaît. J'ai cherché à savoir qui était Samantha et je sais qu'elle s'est sui... qu'elle s'est suicidée et que ça doit être dur pour toi, je suis désolé d'avoir fouillé comme ça, mais c'était plus fort que moi, j'avais besoin de savoir, parce que je ne te connaissais pas encore vraiment et que tu ne me parlais pas, et Anonyme non plus, et je comprends que tu m'en veuilles, et que tu n'as peut être plus envie de me voir, mais moi je veux toujours te voir, alors ne me mets pas dehors car je serais capable de rester devant ta porte jusqu'à ce que tu aies pitié et que tu m'ouvres, je te promets que j'en suis capable, ça ne me fait pas peur, mais si tu le fais, laisse-moi Connard au moins, il me tiendra compagnie. Ta voix, j'ai écouté ta chanson aussi et bon sang,  je la connais par cœur et je suppose que là tout suite, tu as plus envie de me foutre dehors que de me la chanter, mais j'aime ta chanson et ta voix, je l'écoute tout le temps, elle au moins me parle, pas comme toi, je n'aurais jamais dû rentrer dans ta vie personnelle comme ça, je n'avais pas le droit de le faire, mais c'est de ta faute aussi, tu as laissé ta clé USB sous mon nez sans jamais me la redemander, tu le sais pourtant, que je suis un idiot incapable de ne pas faire ce qu'il faut pas faire, ou si tu ne le savais pas, maintenant tu le sais, je ne suis même pas sûr que ce soit français ça, remarque, je crois que tout ce que je viens de dire n'a pas vraiment de sens, mais c'est de ta faute pas la mienne, tu me perturbes, voilà en fait c'est toi le coupable pas moi, tu es arrivé et tu m'as retourné le cerveau sans me demander mon avis, c'est pire que de lire une clé USB ça. En fait le vrai fautif c'est toi, pas moi, moi je n'y suis pour rien, tout est de ta faute et entièrement de ta faute, non putain, tu vois je dis n'importe quoi, fais-moi taire, ne me laisse pas m'enterrer encore plus et......... je suis vraiment désolé."

DEGRADATION Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant