Parce qu'ils ne se comprennent pas

21K 1.2K 831
                                    

Jour 64.

New York, 10h56 du matin. Dans le salon d'une luxueuse chambre d'hôtel, Barthelomé Styles, installé derrière le grand bureau en chêne, une vue imprenable sur Central Park dans son dos, le nez plongé dans des documents, en prévision du séminaire de ce soir sur la recherche contre le Cancer. Un portable qui vibre au milieu des dossiers, Il l'attrape distraitement, sans quitter la feuille qu'il lit des yeux.

"Barthelomé Styles.

- Allô papa ?

- Harold.

- Ton séminaire se passe bien ?

- Viens-en aux faits.

- Très bien, comme tu veux. J'ai besoin de 10 000 Livres.

- 10 000 Livres ?

- Oui, 10 000 Livres.

- Je peux savoir pourquoi tu as besoin d'une telle somme ?

- Pour refaire la décoration de ma chambre.

- Harold.

- Quoi ?

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Rien. J'ai juste envie de refaire la décoration de ma chambre.

- Je veux la vraie raison. Si c'est encore pour t'acheter toutes tes saloperies de drogues, c'est hors de question.

- Mais arrête putain, c'est pas pour ça ! C'est VRAIMENT pour refaire la décoration de ma chambre.

- Tu as eu une nouvelle crise ?

- ..."

Ce silence lui donne la réponse qu'il redoutait d'entendre. Lâchant la feuille qu'il ne lisait déjà plus dès la seconde où il a entendu la voix de son fils, il se laisse retomber en arrière contre le dossier du

fauteuil en cuir, en se passant une main soucieuse sur le visage. Les images et les souvenirs le submergent sans qu'il ne puisse les contrôler.

23 janvier 1994 "Poussez." Un médecin, deux sages-femmes. Des gémissements, des grognements, un visage en sueur déformé sous l'effort. Une main qui en broie une autre, du stress, de l'angoisse, de l'impatience et après de longues heures, qui ont semblé interminables, enfin des cris. Les cris d'un nouveau né qui transpercent la pièce comme un souffle de vie. "Vous voulez couper le cordon ?" Et l'un des plus grands chirurgiens, à la réputation internationale respecté de tous, qui n'est plus qu'un homme aux mains tremblantes. Des mains qui ont tenu des scalpels, opéré des cœurs ouverts, sauvé des vies, des mains qui faiblissent devant un simple cordon ombilical. Une larme d'émotion qui roule lentement sur une joue. Il n'est plus qu'un père qui voit son enfant pour la première fois.

"Non je n'ai pas fait de nouvelle crise."

28 novembre 1994 Assis sur le grand canapé en cuir blanc du salon, son fils de dix mois en train de jouer sur le tapis à ses pieds. Il est en train de lire un roman, quand il sent une petite main s'agripper à sa jambe. Il baisse les yeux pour voir son bébé tirer sur son pantalon et réussir à se mettre debout seulement quelques secondes avant de retomber sur les fesses. Il se retrouve assis par terre avec lui, les bras tendus devant lui. "Viens Harold, viens voir papa." La fierté d'un père face aux premiers pas de son enfant.

"Puis même, ce n'est pas le sujet. Je vais bien, d'accord ?"

16 avril 1998 Trois heures du matin, épuisé il rentre de soixante-douze heures de garde à l'hôpital. Déposant ses affaires dans l'entrée, c'est un bruit de verre dans le salon qui attire son attention. Il se précipite pour trouver sa femme endormie sur le canapé une bouteille de vodka à la main et son fils de 4 ans assis sur le tapis, un verre brisé à côté de lui et un morceau dans la main. "Bon sang." Il se précipite encore une fois pour retirer le bout de la main de l'enfant, mais c'est trop tard, il s'est déjà ouvert le doigt et se met à pleurer. Il le prend dans ses bras. "C'est rien Harold, c'est fini papa est là." Les cris réveillent la femme endormie. Elle ouvre péniblement les yeux, sentant l'alcool et la cigarette à des kilomètres. Il préfère l'ignorer. Ce n'est pas le moment qu'il perde son sang-froid contre elle, son fils à besoin de points de suture et il n'a pas tout ce qu'il faut avec lui. Sa main enroulée dans un torchon propre il le conduit à l'hôpital, l'hôpital qu'il vient de quitter. Aux urgences. Il rentre deux heures plus tard, le petit garçon endormi dans ses bras. Il monte directement à l'étage le coucher dans son lit. Il reste un moment à le regarder dormir avant d'embrasser tendrement son front. Il redescend au salon où sa femme s'est rendormie. Il donne un coup de pied dans le canapé. L'effet est immédiat, elle se réveille en sursaut complètement paniquée. "Bart ?! Comment va Harry ?! Je suis désolée, je me suis endormie et j'ai..." Le regard dur et les traits du visage fermés, il la dévisage froidement.

DEGRADATION Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant