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Je tourne la tête vers le commandant, prête à lui déballer tout ce qu'il m'est arrivé au cours de la dernière semaine, mais celui-ci se met soudain à rire aux éclats. Je pique un fard, gênée. Qu'y a-t-il de si drôle ?

« Tu sais que tu devais être vendue comme objet de plaisir, non comme gouvernante ?, me dit-il, toujours mort de rire,

- Je vous demande pardon ?

- Rares sont les personnes qui savent jouer aux échecs ma grande. Tu dois avoir été éduquée par quelqu'un venant de la haute pour en connaître les règles, non ? »

Maman

Son rire s'arrête soudain lorsqu'il regarde derrière moi. L'ambiance se refroidit. Je sens alors une présence dans mon dos : nous ne sommes plus seuls. Le commandant se lève et dit gravement :

« C'est bon, vous les avez neutralisés ? »

Je me retourne : une dizaine de soldats, membres des 3 corps d'armées ont envahi le patio, tenant le soldat ivre, ainsi que les deux autres gardes que j'avais pu voir quand j'étais dans ma cellule. Un membre de la Garnison répond :

« Oui mon commandant, tous les membres répertoriés du trafic ont été arrêtés. Il ne manque que leur chef qui est emmené au tribunal.

- Bien, parfait. »

Je suis bouche bée. Cette rencontre servait à coincer le trafic d'humain. Ils ont du avoir une piste et remonter jusqu'à l'endroit où j'étais emprisonnée pour avoir les trafiquants. Je sens la rechute de l'adrénaline et du stress provoquer une sensation de faiblesse dans tout mon corps. Je suis sauvée. Je repense à l'autre albinos et aux prisonniers torturés. Il faut qu'ils les libèrent eux aussi. Je me plante devant le commandant et fais le salut militaire, ignorant la douleur de mes poignets, en disant d'une voix ferme :

« Commandant, ils avaient d'autres prisonniers qu'ils torturaient. Si on ne leur prodigue pas des soins rapidement, ils risquent de mourir.

- Écoute gamine, des hommes de la Garnison et du Bataillon d'exploration sont déjà en route. Pour l'instant on va s'occuper de toi. Je ne sais pas si tu t'es regardée dans un miroir récemment mais tu es mal au point. »

Je me retourne. L'homme qui vient de me parler est plutôt petit, il me dépasse à peine. Il a des cheveux noirs, rasés selon les normes de l'armée et un regard très froid et intimidant. Je pense qu'il doit être légèrement plus âgé que mon demi-frère. 

« Je me sens très bien, les autres ont plus besoin de vous que moi, je lui rétorque,

- Tais-toi. Je n'aime pas les têtes de mule. On va te soigner. C'est un ordre de ton capitaine. »

Mon capitaine ? Il fait demi-tour et part en direction du bâtiment : il y a les ailes de la liberté à l'arrière de sa cape, le blason du Bataillon d'exploration. Je fronce les sourcils : ils savent donc que je suis une recrue de ce corps d'armée. Je marche dans sa direction avec difficulté, mes jambes tremblantes d'épuisement. Après avoir traversé des pièces richement décorées, il m'emmène dans une salle, occupée par deux autres soldats du Bataillon. Il m'ordonne de m'asseoir et de mettre à découvert mes blessures pour que l'on puisse me soigner.

J'enlève ma cape puis mes gants, ce qui révèle les bandages que le soldat m'a mis environ une heure auparavant. Ils sont rouges de mon sang : mes poignets me font mal, et ma blessure sur la main s'est ouverte. Je soupire :

« Et merde... »

Les deux soldats s'approchent de moi. Le premier est un homme, grand, blond, coiffé impeccablement. Je sais de qui il s'agit : Erwin Smith. Je l'ai déjà vu quand j'étais enfant, avant la chute de Shiganshina, lorsque je regardais les expéditions extra-muros partir et revenir depuis la fenêtre de la bibliothèque. La deuxième personne est une femme, brune avec des lunettes qui observe mes blessures avec attention en disant :

Emily UnderhillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant