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Je me réveille tôt. Aujourd'hui, si j'ai bien calculé depuis le jour de mon enlèvement, nous sommes dimanche, jour de repos pour tout le monde et je compte bien aller acheter du tissu en ville. Je sais que tous les autres sont des lève-tard avec l'expérience des années d'entrainement, donc je vais y aller seule.

Je m'habille rapidement avec des vêtements de civile, un pantalon noir et mon habituelle chemise grise dont je retrousse les manches puisque le soleil brille et qu'il fait chaud. Je jette un coup d'œil à mon début de lettre pour Louis, et réalise que je ne sais en fait pas où il habite et comment lui faire parvenir. Il faudra que je me renseigne auprès de mes supérieurs. J'empoigne mon sac et y fourre mon carnet de croquis ainsi que mon crayon pour faire le patron de la mitaine qui cachera ma cicatrice.

Aux camp d'entrainement, j'étais toujours la première levée, et j'attendais les autres en lisant ou dessinant dans la salle commune. Je descends les escaliers, nostalgique. Il n'y a encore personne. Je sors sans bruit et me dirige vers le réfectoire où je récupère une pomme et une tasse d'infusion.

Quand je reviens, je remarque qu'il y a désormais deux personnes sur le canapé. Hanji, que je reconnais à son chignon décoiffé, et une autre cachée. Vu que nous n'avons pas le droit de manger dans cette pièce, je range la pomme dans mes poches et me dirige vers la table en lançant un petit « Bonjour. ». Je m'installe dos aux occupants et pose ma tasse.

J'ouvre mon carnet et sors du papier épais pour faire le patron de ma mitaine. Je me mets à l'œuvre, m'appliquant le plus possible, comme me l'a appris mon père quand j'étais petite, en buvant de temps en temps l'infusion qui brûle mes lèvres encore gercées. Je sors ma boîte de couture et découpe les deux patrons que je pose sur ma main afin de vérifier leur justesse. Je sens soudain qu'une présence derrière moi me regarde. Je range mes affaires : la personne s'assoit à côté de moi : c'est Hanji. Je ferme mon sac avant qu'elle ne me prenne ma main gauche :

« Tu te fais une mitaine pour cacher la cicatrice ? », me demande-t-elle en montrant du menton ma main bandée.

J'approuve d'un signe de tête :

« Oui, ce n'est pas très beau à voir, je préfère qu'elle soit cachée. »

Elle acquiesce en silence avant de se lever, ce que je fais également. La personne qui était assise à côté d'elle est le capitaine Livaï, qui est en train de boire un café en lisant un livre. Hanji retourne s'asseoir à côté de lui et de mon côté, je me dirige vers la porte lorsque j'entends le capitaine dire :

« Magne-toi. Il faut que tu sois rentrée avant le repas de midi. »

Je tourne les yeux et le regarde en fronçant les sourcils. Il explique :

« Tu vas en ville à ce que je vois donc ne traîne pas si tu ne veux pas être punie pour non respect des horaires. Je veux que tu sois rentrée avant midi. »

J'hoche la tête et ouvre la porte avant de me diriger vers le chemin en terre qui mène à la ville. Si le chemin est trop long, je prendrais un chariot sur le chemin du retour. Je marche quelques minutes en croquant ma pomme avant d'entendre quelqu'un derrière moi crier :

« Emily ! Emily ! »

Je me retourne et vois Petra. Elle est habillée d'une jolie robe bleue qui fait ressortir ses beaux cheveux blonds vénitiens. Cela me fait bizarre de me dire que cette femme si jolie est militaire et qu'elle peur mourir à tout moment. Elle court vers moi et me rattrape-en un rien de temps. Je m'arrête pour lui laisser le temps de reprendre un peu son souffle et elle me dit entre deux expirations :

« Je vais aussi en ville, on pourrais rester ensemble !

- Si tu veux.

- Je vais faire les boutiques et voir mon père aujourd'hui, tu voulais aller où ?

- Je vais chez un marchand de tissu. Il faut que je rentre avant le repas donc je dois me dépêcher. »

Je la vois froncer les sourcils, nous reprenons la marche d'un pas rapide :

« Qui t'as dit ça ?

- Le capitaine Livaï. »

Ses joues rosissent légèrement :

« Tu peux rester la journée entière en ville si tu veux, je pense que le caporal ne t'en voudra pas. Je dirais que c'est moi qui t'ai demandé de rester, comme ça tu n'aura pas de problèmes ! »

Elle est adorable, mais même si elle a plus d'expérience et est plus âgée, elle est également sous le commandement du caporal-chef Livaï, donc elle ne pourra pas m'aider s'il décrète que je n'ai pas respecté ses ordres :

« C'est toi qui risque d'avoir des soucis dans ce cas, je ne préfère pas.

- Ne t'inquiètes pas, Livaï n'est pas méchant il comprendra ! », dit-elle en souriant.

Je me concentre sur le paysage et réfléchis quelques instants. Cela me ferait du bien de passer du temps en ville, surtout que Petra semble être une personne agréable et gentille. Et puis, je ne suis pas sûre que la caporal-chef ait le droit de m'imposer des horaires lors des jours de repos. Je tourne les yeux vers elle :

« C'est d'accord, je vais rester avec toi aujourd'hui, mais je ne veux pas te déranger ta famille.

- Ne dis pas de bêtises, mon père adore faire de nouvelles connaissances ! En plus, j'ai l'intuition que tu n'as jamais fait les magasins, je me trompe ? »

Mon visage se tord en un rictus gêné : c'est vrai que je n'ai jamais eu l'occasion de faire une sortie en ville par plaisir d'acheter des vêtements depuis que j'ai fui Shiganshina. Je l'entends rire aux éclats, je suppose à cause de ma réaction, puis la suis sur le chemin, écoutant des anecdotes sur les différents membres de son escouade.

Arrivées à la ville, Petra me fait une visite guidée et m'emmène devant un marchand de tissus. En cherchant un matériau idéal pour toutes les situations, j'opte finalement pour un tissu solide et souple. Après avoir réglé mes achats, Petra m'emmène dans une rue remplie de commerces. Je la suis à travers les boutiques, ayant encore du mal à m'habituer à la présence d'autant de monde. Elle essaie des vêtements tout en me demandant mon avis :

« La robe n'est pas un peu trop courte ? Et je la prends en quelle couleur ? Et ce chapeau ? Oh, regarde cette robe ! Arg, elle coûte super cher...»

Le temps passe vite, et après avoir acheté vêtements, chaussures et autres objet de mode, Petra m'emmène manger chez elle. Son père est un membre des Brigades spéciales, il lui ressemble énormément. J'apprends que sa mère travaille toute la journée dans une boutique de vêtements un peu plus loin, d'où son absence au repas de midi. L'ambiance est chaleureuse et me rappelle énormément mon enfance. Mon cœur est de plus en plus léger et les images de mon enlèvement semble s'effacer derrière tout ce bonheur. 

A la fin du repas, après avoir remercié son père de m'avoir accueillie, je demande à Petra de m'emmener à une librairie où j'achète un livre et un nouveau carnet de croquis. Nous rentrons finalement à pied dans le milieu d'après-midi et je sens au fur et à mesure que l'on s'approche du QG l'angoisse me tordre le ventre : je n'ai pas respecté l'horaire que m'avait donné le capitaine Ackerman. Même si Petra m'a assuré qu'il n'y avait pas de problème, je commence à avoir des doutes.

Nous arrivons dans la cours et je me dirige vers le bâtiment de repos pour ranger mes affaires. Petra m'a dit qu'elle allait parler à Livaï et que tout ira bien. Je reste septique. Je monte dans ma chambre, ouvre mon sac et sors mes affaires que je pose sur mon lit bien fait. Attends une minute...pourquoi mon lit est-il fait ? Je ne l'ai pas fait ce matin. Je tourne la tête vers mon bureau : mon carnet a été mit droit, de même que mon crayon. Mon pyjama, qui devrait être en vrac par terre, est posé sur le rebord de la chaise, et mes affaires de toilettes sont toutes rangées.

C'est une blague ? Le caporal-chef vérifie aussi que nos chambres soient en ordre en plus des casiers ? Je sors en maugréant, en colère qu'il ait touché à mes affaires personnelles et...lui tombe dessus, adossé contre le mur, en train de me regarder méchamment. Je déglutis. Ce n'est pas ma journée. Il me fixe, puis me dit très calmement non sans autorité :

« Tu as désobéi à mes ordres. »

Emily UnderhillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant