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Annie se jette sur moi, me serrant de toutes ses forces dans ses bras, fondant en larmes. Je la serre à mon tour, pleurant silencieusement. Elle m'a choisie. Ses sanglots et hoquets sont les seuls bruits audibles. J'enfoui ma tête dans ses cheveux dorés pour ne pas qu'elle voit mes larmes.

Je ne sais pas combien de temps nous restons comme ça, dans les bras de l'une et de l'autre. Annie me fait part de toute sa peine et ses regrets à travers ses pleurs. Elle a finalement craqué. Comme moi des semaines auparavant. Je lève les yeux, me perdant dans l'observation des nuages qui se détachent sur le ciel devenant de plus en plus bleu, le cœur étonnamment léger.

Le vent glacé sèche rapidement mes larmes. Je frissonne, à cause du froid sur mes joues, mais surtout quand je me rends compte d'une chose : j'ai l'impression de ne plus arriver à voir comme avant. Tout est beaucoup plus flou, les formes et les couleurs sont moins nettes. La vie dans les souterrains aurait abimé ma vue à ce point ?

Je sens qu'Annie brise soudain notre étreinte et je me recule légèrement, la laissant essuyer ses joues mouillées. Elle sourit légèrement avant de dire doucement :

« Je suis désolée.

- Ne soit pas désolée d'être juste une humaine qui a des émotions., dis-je avec un sourire. »

Je jette un coup d'œil derrière elle en direction de Reiner et...mince, où sont-ils ? Il n'y a plus personne, seule de la fumée se disperse dans les airs. Je jette de furtifs coups d'œil autour de nous pour voir s'ils ne rodent pas aux alentours mais ils sont absolument invisibles. Merde. C'est mauvais. Annie a du s'en rendre compte elle aussi puisqu'elle s'est retournée, tendue et prête à se battre. Nous avançons, en direction de l'endroit où ils se trouvaient auparavant prudemment. Qu'est ce qui a pu les faire déguerpir comme ça ? Je suis aux aguets. L'odeur du reste de feu me brule les narines. Un bourdonnement dû à la course de chevaux arrive jusqu'à mon oreille.

Des chevaux ? Je tourne les yeux, une appréhension soudaine s'emparant de moi : ils sont là. Non, je dois halluciner. C'est impossible. Un cri venant d'en bas me fait réagir. Ils sont réels. Des dizaines de soldats du Bataillon d'exploration arrivent dans notre direction. Je suis pétrifiée.

« Emily ils dégainent leur équipement, faut qu'on bouge d'ici, ils vont monter sur le mur ! »

Je reste figée encore quelques secondes puis réagis enfin et balaie d'un coup de pied le reste de feu de camp allumé par Reiner et Berthold, du moins les restes des restes. Ces traîtres ont du penser à la même chose que moi : si Armin est, ce qui est fort probable, avec cette expédition, il aura la présence d'esprit de comprendre qu'il y avait des personnes sur le mur. Je m'approche du bord avant de me lancer dans le vide vers la ville, envoyant mes grappins dans les maisons fissurées et envahies par la végétation. Un bruit familier de 3DM derrière moi me fait comprendre qu'Annie me suit. Je l'entends dire :

« On va dans la maison à gauche. »

Le bâtiment à gauche...je tourne les yeux et repère l'endroit dont elle parle : le toit est brisé, laissant une ouverture sur une mezzanine. C'est petit mais on peut s'y cacher rapidement. Je lâche mon câble gauche, fait un virage serré et me dirige vers celui-ci. Enlevant complètement mes grappins, j'entre dans la maison et roule sur le sol pour amortir ma chute. Je me rue sous la partie brisée du toit pour ne plus être visible de l'extérieur. Le bois de la pièce est pourri et dégage une forte odeur de moisi. Je colle ma tête au bois pour regarder à travers les fissures : il y a des silhouettes sur la partie du mur d'où nous venons.

Je resserre le foulard autour de mon poignet pour ne pas le perdre, concentrée à observer les mouvements d'en haut. Nous avons eu énormément de chance de les remarquer à temps. Je n'ose pas imaginer s'ils nous avaient vues et poursuivies..nous auraient-ils tuées ? Faites prisonnières ?

Emily UnderhillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant