Des éclats de rire, des bruits de pas, de l'eau sur le sol et une odeur nauséabonde. L'endroit où je suis ne ressemble en rien à la notion de ville que je connais. Je n'ai entendu que très peu de choses sur les Bas-fonds, mais même un idiot pourrait comprendre que ce lieu est dangereux. Je tourne la tête de droite à gauche : un groupe d'hommes me regarde sans prendre la peine d'être discrets, une femme et, je suppose, sa fille me fixent elles aussi. Je baisse instinctivement les yeux pour ne pas me faire encore plus remarquer. Les étrangers ne doivent pas être les bienvenus ici.
Abaissant un peu plus ma capuche, je commence à avancer dans un étroit passage entre les immeubles délabrés. J'ai l'impression, même en m'éloignant, que le fait que je vienne "d'en-haut" est gravé sur mon visage : tout le monde m'observe. Certains plus discrètement que d'autres, mais tous posent les yeux sur moi à un moment où un autre. Contrairement à en haut où les regards des gens étaient haineux ou curieux, ces personne ont le regard complètement absents. Ils sont comme vidés de toute trace de sentiments. J'accélère le rythme de mes pas pour quitter cet endroit : ces regards me rappellent les prisonniers des trafiquants qui m'avaient enlevés. L'autre albinos. Le soldat ivre. Louis. Je serre les dents et quitte la ruelle où je suis pour une rue perpendiculaire, légèrement plus large.
Kenny m'a dit que je trouverai une maison abandonnée pour me loger ici, mais je ne connais pas les Bas-fonds aussi bien que lui. Je commence à m'énerver toute seule : je suis complètement perdue et déstabilisée par cet endroit. Après avoir déambulé pendant de longues minutes dans les ruelles, je m'adosse contre un bâtiment, sur les nerfs. Pourquoi est-ce que j'ai écouté le vieux et l'ai suivit ici ? Je pourrais être à l'instant même dans la prison en train de tuer Annie, mais je me retrouve en train de...en train de faire du tourisme dans les Bas-fonds. PUTAIN ! Je cogne rageusement mon poing contre le mur et serre les dents. Il m'a emmenée ici pour m'apprendre à tuer si j'ai bien compris. Mais je sais tuer bon sang, je l'ai déjà fais deux fois, je peux recommencer.
J'ai tué deux fois. Tué deux fois. Deux fois. Qu'est ce que j'ai fait ? J'ai vraiment tué deux personnes ? Emily Underhill ne pourrait pas tuer des gens.
Je sens mes jambes devenir comme du coton et glisse le long du mur. Je ne dois pas douter...pas maintenant. J'ai tué des gens. J'AI TUÉ DES GENS. Oui, mais j'étais obligée de faire ça pour me venger. C'est légitime, tout à fait légitime. Je ne dois pas culpabiliser. Non, non c'est impossible je ne peux pas devenir un assassin ! Qu'est ce que je raconte... Je suis en train de perdre le contrôle de ma colère il faut que je me calme, je suis en train de faire une bêtise en faisant tout ça... Non, ce n'est pas une bêtise. Annie a tué les gens que j'aime. Si ça se trouve c'est elle qui a contrôlé le Titan Colossal donc elle qui a tué mes parents. Je deviens folle, complètement folle. Je deviens surtout faible. Je ne dois pas m'écarter de mon but. Ce que je dois faire maintenant est de trouver un bâtiment abandonné pour me loger.
Ma détermination prend le dessus sur mon doute. Tout du long de mon introspection, un homme m'observait à travers la fenêtre du bâtiment en face. J'ai l'impression d'être une bête de foire que tout le monde examine par curiosité. Cela m'énerve. Un bruit de porte qui claque. Je lève légèrement la tête pour voir se qu'il se passe : un groupe d'hommes sort du bâtiment. Ils me fixent tous. Ils me fixent comme si j'étais du gibier. Je serre les dents : Kenny m'a bien prévenu que je pouvais être une marchandise potentielle pour les trafiquants des Bas-fonds. Mon albinisme aurait été remarqué par quelqu'un malgré ma capuche ? Je me relève lentement, observant leurs gestes. Ils se rapprochent de moi. Le plus discrètement possible, je récupère le couteau de Kenny que j'avais caché dans ma ceinture et le serre, prête à attaquer si besoin. Le groupe est composé de 3 hommes, deux grands et baraqués et un autre plus frêle mais qui a l'air d'être le leader. Je jette un coup d'œil au bâtiment : il n'y a l'air d'avoir personne à part eux. Je n'ai qu'à les tuer et cette maison est mienne. Un sentiment de satisfaction s'empare de moi : les choses sont tellement plus faciles quand on peut ôter des vies.

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Emily Underhill
Fanfiction« Mais si on vole pendant plusieurs centaines de kilomètres jusqu'au Sud, qu'est ce que l'on va trouver ? » Je récupère mon livre sur le rocher. En ouvrant la porte, le calme dans lequel j'étais jusqu'à présent se transforme en brouhaha. Je suis dan...