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J'entends des bruits. Des bruits lointains mais présents. Des gens qui crient, des claquements de sabots, et quelqu'un qui répète mon nom. Qui m'appelle ? J'ouvre doucement les yeux et le visage d'Armin apparait, flouté, dans mon champ de vision. J'ai un mal de tête insupportable et le dos courbaturé. Le matériau dur sur lequel je suis couchée n'arrange pas les choses. Je cligne des yeux plusieurs fois avant de retrouver une vision nette, Armin bouge sa tête et je vois le ciel. Il n'y a pas de nuages, il est juste bleu.

Je me redresse doucement en m'aidant du rebord. J'étais allongée dans une charrette, d'où mon mal de dos. Je regarde autour de moi, essayant d'oublier mon mal de crane : toute la formation retourne aux murs que je vois se dresser devant moi. Une boule se forme dans mon ventre : non, pas toute la formation justement. Les images des morts des soldats défilent dans ma tête. Pourquoi je n'arrive pas à penser à autre chose ?

« Emily ! »

J'écarquille brusquement les yeux et voit Armin qui me tient fermement par les épaules. Il me fixe d'un air inquiet. J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort : je me rends compte que je suis complètement recroquevillée sur moi-même, les mains autour de ma poitrine que je serre avec beaucoup de force. Armin dit alors :

« Il faut que tu te calmes ! »

J'hoche la tête et finalement, en faisant quelques efforts, j'arrive à retrouver une position normale, bien qu'aucun son ne sorte de ma bouche. Après un long trajet, nous arrivons au QG. Dans la cour, tout le monde descend des chevaux et l'on évacue les blessés. Durant la soirée, Hanji vient me prendre par la main et m'emmène en direction de l'infirmerie, comme une petite fille. Arrivée là-bas, elle me fait asseoir sur un siège et me donne un verre avec un liquide rosé en me disant :

« Bois, ça te fera du bien. »

J'obéis. La boisson à un goût de plantes. C'est sûrement une tisane à la sauge, je reconnais le goût. Je redonne mon verre à Hanji qui m'explique :

« C'est une boisson relaxante. Tu as fais une crise due à ton état de choc dans la charrette tout à l'heure. »

Devant mon regard interrogateur, elle ajoute :

« Armin m'a expliqué ce qu'il s'est passé. »

J'hoche la tête et elle vient s'asseoir à côté de moi. Au regard qu'elle me lance, je sais qu'elle veut que je lui raconte ce qu'il s'est passé. Je fronce les sourcils et lui lance froidement :

- Je vais dormir. »

Je me lève et sors de la pièce pour me diriger vers ma chambre. Elle est telle que je l'ai laissée quelques heures plus tôt. Je ferme la porte à clef, quitte mes vêtements et pars dans mon lit. Je sais que je n'arriverais pas à trouver le sommeil, mais mon corps sera quand même reposé. Finalement, après quelques heures d'attente, mes yeux se ferment et je m'endors.

~~~

Quand j'ouvre les yeux, je me demande si tout cela n'était pas qu'un rêve. Mais quand je pars voir à la fenêtre, les buchers funéraires au loin me ramènent à la réalité. Contrairement à hier, aucune émotion ne me vient lorsque je repasse les scènes auxquelles j'ai assisté dans ma tête. Je me sens...vide. Vide est le mot, oui. J'enfile les premiers vêtements qui me tombent sous la main, mon pull et un pantalon, avant de sortir. Tout le monde se dirige en silence vers la prairie dans laquelle on a installé tous les cadavres de nos camarades, prêts à être brulés.

Le major fait un magnifique discours en l'honneur de nos disparus. Des gens pleurent, d'autres restent sans voix, d'autres crient. Puis, le bucher est allumé. Après quelques minutes à regarder tous ces valeureux soldats se transformer en tas de cendre, je fais demi-tour et pars en direction du bâtiment, seule. Quand j'ouvre la porte de la salle commune, je vois Livaï assis sur un des canapés, une tasse à la main. Il est toujours aussi impassible. Je marche dans sa direction et m'assois en face de lui, toujours silencieusement. Je laisse tomber ma tête sur le dossier et sens mes paupières lourdes. La fatigue accumulée se fait ressentir.

Emily UnderhillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant