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« Papa, viens voir ce que j'ai trouvé dans le bureau !

- Hmm ? »

Mon père pose son panier. Le grenier était autrefois le bureau de la mère de Louis, Joy, mais après sa disparition la pièce a été laissée à l'abandon. Louis bientôt adulte, mon père a décidé de le nettoyer pour en faire une chambre supplémentaire.
Je prends l'un des carnets dans le tiroir et lui tends, fière de ma découverte. Papa souffle sur la couverture, laissant s'envoler un peu de poussière et se fige. Il feuillette les pages avant de me le rendre, tendu :

« Super Emily, tu peux mettre les carnets dans le tas des affaires à brûler. »

Je le regarde en reposant le carnet dans le tiroir, perplexe. Derrière moi, j'entends Louis dire d'une voie enjouée :

« Eh, j'ai trouvé une vielle cape du Bataillon d'exploration ! »

Je me tourne vers lui, des étoiles dans les yeux : il tient une grande cape de couleur verte, encore jolie malgré l'usure apparente. Au centre, deux ailes entrelacées, l'une bleue, l'autre blanche. Je lui souris :

« C'est une cape comme ça que tu aura quand tu seras à l'armée ?

- Oui mais le blason ne sera pas les Ailes de la liberté mais le symbole des Brigades spéciales. »

Il jette un coup d'œil derrière moi avant de dire :

« Papa, je vais la garder, c'est une cape de Maman on ne peut pas la détruire. »

J'entends mon père soupirer et murmurer :

« Si tu veux Louis, mais c'est la seule chose d'ici que tu gardes. »

Mon demi-frère hoche la tête et enfile la cape, le sourire aux lèvres. Pendant ce temps, je sors le tiroir de ses gonds et le porte difficilement jusqu'aux affaires que l'on ne garde pas. Je m'accroupis et prends un à un les carnets, pour en faire un tas. Curieuse, j'ouvre le dernier : des croquis d'étranges paysages sont dessinés avec des annotations gribouillées sur les côtés d'une belle écriture féminine. Je tourne quelques pages et commence à lire, déchiffrant avec peine certains mots : 14 janvier. L'expédition de découverte se déroule comme prévu, aucun Titan ne nous a attaqués. Nous avons découvert un lac au Sud du Mur Maria, à une dizaine de kilomètres : l'eau y est potable, en cas de pénurie des équipes de ravitaillement pourront aller approvisionner les réserves ici. Bien entendu, elles devront être accompagnées de soldats pouvant tuer les Titans en cas d'att...

« Emily, pose ça tout de suite ! »

Je sursaute et tourne la tête : mon père me regarde fixement. Je referme le carnet à contrecœur mais avant que je ne puisse le poser sur la pile, Louis m'arrête en me prenant le bras.

« Fais-moi voir ce carnet, Emy s'il te plait. »

Il me le prend et l'ouvre. Ses yeux s'écarquillent au fur et à mesure qu'il lit. Soudain, mon père arrache brusquement le carnet des mains de mon frère. Je me lève et recule, effrayée : mon père est en colère, très en colère. Et Louis l'est également. Il crie :

« Tu allais brûler les carnets de Maman ?

- Oui, et ce n'est pas discutable !

- Mais tu te rends compte qu'elle a passé toute sa vie à faire ces recherches ?! Tu ne peux pas faire ça Papa !

- ELLE EST MORTE LOUIS TU LE COMPRENDS CA ? MORTE !

- ON N'EST MÊME PAS SÛRS QU'ELLE SOIT MORTE, ELLE A DISPARU A L'EXTÉRIEUR DES MURS !

- LOUIS, TU... »

Je mets mes mains sur mes oreilles et appuie du mieux que je peux pour ne pas entendre. Je sens les larmes monter. C'est la première fois qu'ils s'énervent aussi violemment. Quelqu'un monte les escaliers, je vois ma mère s'avancer vers nous. Elle prend Louis dans ses bras et ordonne quelque chose à mon père. Il donne rageusement un coup de pied dans le panier de tout à l'heure et descend, le visage rouge de colère. Ma mère me fait signe de sortir et je cours dans les escaliers me réfugier en bas. Une porte qui claque. Je me rue vers l'extérieur et vois la tête brune se fondre dans la foule du marché. Je sors dans la rue en criant :

Emily UnderhillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant