[3ème partie]

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Mes larmes coulent tout le long de mes joues. Ça ne s'arrête plus. Je me rends compte que je viens de perdre mon frère. Je lui dis au revoir, une dernière fois. Au même moment, je remarque que tout le village est regroupé autour de nous : les femmes pleurent, les hommes lisent du Coran, les enfants sont dans les bras de leur mère, ils pleurent mais ne comprennent pas réellement. Des femmes, des voisines viennent prendre ma mère dans leurs bras, elles pleurent avec elle. Je vois Maï dans le tas, elle me voit aussi et court vers moi. Elle me prend fort dans ses bras et pleure.
« Naïla, j'suis désolée de ne pas avoir été là. Qu'Allah lui accorde Sa Miséricorde.
- ...
- S'te plait parle moi khti, dis quelque chose.
- ...
- Viens, on rentre, viens manger quelque chose, viens on va poser Maryam dans son lit. S'il-te-plaît, viens simplement avec moi »
Je l'écoute et la suit, en jetant un dernier coup d'œil à mon frère bien-aimé. Maryam s'était endormie dans mes bras, et commençait à se réveiller lorsque Maï m'a pris dans ses bras. On rentre, on pose Maryam sur son lit, et Maï me donne un verre d'eau. Je le bois et là, on entend des voitures. Je sors vite de la maison, et vois pleins d'homme sortir. Je ne comprends pas ce qu'il se passe sur le coup. Je demande à عami Bachir, notre voisin, ce qu'il se passe. Il m'explique que c'est les personnes qui vont laver et enterrer mon frère. Je les vois avec un drap blanc dans les mains, ils partent vers Nabil et le recouvre pour le mettre ensuite dans une voiture bizarre : elle n'a pas de siège derrière. عami me dit que c'est pour pouvoir coucher les morts à l'arrière. Lorsqu'ils prennent mon frère, Mama crie, fort, tellement fort que les oiseaux auraient pu s'échapper, s'il y en avait. J'ai envie de courir vers eux, de crier le nom de mon frère, de frapper les hommes qui l'emmènent et le tirent loin de moi, mais mon corps reste immobile. Je n'arrive plus à le bouger, à le contrôler. Le sentiment que j'ai à cet instant même est tel que si on m'arrachait tout mon oxygène, tous mes poumons. Je n'arrive plus a respirer, encore moins à parler. A rien.

« Naïla ?»
Maï m'appelle, je veux lui répondre, je n'y arrive pas.
« Eh, Naïla?»
Elle insiste, je n'y arrive toujours pas.
« Réponds-moi j't'en supplie !»
Je commence a avoir la tête qui tourne.

Je me réveille. | 12h37| Je ne vois personne autour de moi, juste Maryam qui dort encore en face. Mes pensées reviennent en place doucement. La réalité refait surface. Je ressens à cet instant la même douleur que j'ai ressentie lorsque je l'ai vu à terre.

Bizarrement je me demande pourquoi il n'y a personne dans la maison. Je sors. Personne. J'entends des pleurs. Des pleurs d'enfants. Je cherche. Je regarde partout et tourne ma tête à gauche : rien. Je tourne ma tête à droite : j'aperçois Yassine. Il pleure, seul. Je n'y comprends rien. Je cours le voir et le serre fort.
« Pourquoi t'es seul ? Où sont Mama et Mehdi, et Maï ?
- Ils sont partis avec les hommes qui ont emmené Nabil, Mama m'a dit qu'ils allaient le laver. Comme quand on fait la douche, je crois. Ils m'ont laissé tout seul. Mama m'a dit que les enfants ne peuvent pas venir. »

Je vais rater l'enterrement de mon frère ? Je n'ai pas le droit d'y aller et je ne peux pas laisser mon frère et ma sœur tous seuls.

Je prends Yassine par la main, et on rentre a la maison pour lui donner quelque chose à manger. J'ouvre le placard : malheureusement il n'y a plus rien. Il est vide, depuis maintenant une semaine. Je prends une bouteille d'eau, et j'y mets du sel ainsi que le peu de cannelle qu'il nous reste, et le donne à Yassine, pour que sa faim se dissipe un peu. Je n'ai pas le choix et ça me fait mal de le voir affamé comme ça. Mais que faire ? On n'a pas le choix...
On part dans la chambre, et on s'endort en attendant.

BOUM !
Je me réveille en sursaut, je sors en courant et...
BOUUUUUM

À travers les paroles d'une enfant palestinienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant