[7ème partie]

165 17 2
                                    

On finit de jouer, on est tous fatigués. Je cherche Yass et Mehdi des yeux puis j'aperçois qu'ils sont en train de courir vers Mama, assise sur un banc en train d'admirer la mer. Je commence à partir doucement vers eux, mais en me retournant, Najib me tient l'épaule. Je lui lance un regard comme pour lui dire "Oui?" Et il me dit :

« Tu veux pas rester un peu plus avec moi, j'veux pas rester tout seul.
- Bien sûr, mais où est ta famille ?
- Je pense qu'ils sont à l'intérieur.
- D'accord.
- Comment tu t'appelles au fait ?
- Naïla.
- Et t'as quel âge ?
- J'ai bientôt 11 ans. »

Un blanc s'installe, je suis toute timide, je n'ai pas l'habitude de rester qu'avec un garçon, à part mes frères. Je lui demande alors :

« Au fait, pourquoi vous quittez la Turquie?
- Là-bas, il y a trop de problèmes politiques et des attentats, et ma mère veut nous assurer un meilleur avenir, donc elle veut qu'on aille en France, je crois. Et toi?
- Moi c'est à cause de la guerre qu'il y a dans mon pays. Depuis que je suis toute petite...
- Ah, ça craint... Pourquoi vous avez décidé de partir seulement maintenant?
- Notre quartier se faisait bombarder, pendant l'enterrement de mon petit frère Allah y rahmo [ ça me fait encore bizarre de dire ça j'arrive toujours pas à y croire] et ma mère a décidé qu'on irait dans le camp de réfugiés à Gaza, et là on nous a parlé de ces bateaux qui emmenaient en France en passant par la Turquie et on s'est dit qu'on avait déjà assez perdu en Palestine et qu'il fallait partir.
- J'suis désolé pour ton petit frère, Allah y rahmo... C'est pour tout ça que tu pleurais tout à l'heure alors ?
- Mon amie Maïssa et sa mère ont été bloqué à l'entrée du bateau, pendant l'embarquement et sont restées sur le port. Et Smahane, la petite sœur à Maï était dans les bras de ma mère. Nous ne pourrons pas les revoir jusqu'à, je ne sais quand...»

« NAÏLA !
- Oh, désolée, ma mère m'appelle, à plus tard !
- Au revoir. »

Je cours vite vers ma mère. Il est cool, j'ai un nouveau copain de bateau maintenant! On rentre à l'intérieur, on se couche sur des fauteuils, là où beaucoup de personnes dorment ou se reposent. On s'endort avec Mama, les autres étant déjà endormis.

Il est déjà 8 heures du matin, tout le monde est réveillé et des gens du bateau nous donne du pain et des petites briques de jus. Je trouve ça tellement gentil de leur part, surtout que je mourrais de faim. Les seuls denrées qu'on a mangé en ce moment sont des morceaux de pain de temps en temps et on a bu quelques gorgées d'eau.

Rien ne sert de vous dire tout ce qu'on a fait pendant une journée et une autre nuit dans le bateau, à part s'occuper avec d'autres enfants, dont Najib, et dormir.

|Jeudi 14 mai; 15h46|

Nous sommes enfin arrivés en France, à Marseille. Je trouve l'endroit, waw, magnifique ! Rien à voir avec toutes ces maisons en ruine et ces déchets partout par terre en Palestine, malgré que j'aime très fort mon pays. On descend du bateau, on vérifie, cette fois, que tout le monde est là. J'arrive même a apercevoir Najib et sa famille.

Lorsqu'on est sur terre, un homme nous dit, en français, qu'il faut suivre le groupe, devant nous, pour aller dans un foyer, le temps que ma mère trouve du travail. En réalité, nous n'avons absolument rien compris de ce qu'il disait mais nous l'avons deviné grâce aux gestes qu'il faisait. Nous suivons alors le groupe de personne, Najib aussi et nous arrivons dans le foyer. Il est beaucoup plus grand et propre que le camp de réfugiés, la chambre est beaucoup plus grande, même si c'est quand même assez petit pour nous 6, c'est supportable. Des femmes nous appellent tous et nous donnent à manger, dans une grande salle avec pleins de table et pleins de gens avec des nationalités différentes. On mange, à notre faim pour la première fois, depuis... depuis ma naissance je crois bien. Et on part se coucher. Avant de dormir, on remercie Dieu pour tous ces bienfaits, avec Mama, on espère toutes les deux que khalti et Maï vont et iront bien.

Sur le coup je pleure un peu, je repense a Nabil, toujours et la Palestine et ma sœur et Baba et tout le reste. Mama me prend dans ses bras, elle pleure avec moi. Yass et Mehdi nous voient et viennent nous rejoindre. Je les aime tellement, toute ma famille, ils sont tout pour moi. Yass et Mehdi partent se coucher dans un petit lit et moi je me couche près de Mama, Smahane et Maryam dans un lit 2 places. Demain va être une toute nouvelle journée, dans un tout nouveau pays, in sha Allah.

À travers les paroles d'une enfant palestinienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant