Chapitre 10

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Cette matinée est une de celles où la seule chose envisageable à faire est de rester au lit en écoutant du James Blunt pour m'éloigner un peu de tous les problèmes qui explosent comme des missiles autour de moi.

And I see no bravery, no bravery in your eyes anymore, only sadness.

Je ne ressens aucune colère, aucune tristesse, aucun pincement au cœur quand j'écoute en boucle ces quelques mots et cette musique lancinante, seulement la profonde envie de laisser s'écouler le temps et de ne plus parler à personne. De rester là toute ma vie, avachie sur ce matelas qui m'a vu grandir, entourée de ces murs de béton qui ont partagés mes plus grands secrets. Je ne peux pas dire que je n'aimerais pas qu'Hanna soit là, mais notre dispute est la dernière chose à laquelle je pense et elle m'a beaucoup trop déçue. La solitude semble être ma meilleure option pour l'instant, et je ne sais pas trop quoi en penser.

Je commence peu à peu à entrer dans une phase de demi-sommeil quand quelqu'un frappe à la porte de ma chambre, ce qui me fait sursauter.

- Madi, je peux entrer ?

J'aurais voulu entendre n'importe quelle voix, sauf celle de Caspar. Je ne sais pas encore comment je suis censée réagir par rapport à son choix de ne pas m'avoir averti du retour de Harry.

Je me lève quand même, seulement pour m'épargner la peine de l'entendre insister.

- Qu'est-ce que tu veux ? lancé-je en entrouvrant la porte.

- Je t'ai fait des pancakes, annonce t-il en désignant l'assiette fumante dans ses mains. Et je voulais qu'on parle d'hier soir aussi. J'ai entendu Hanna partir tout à l'heure et depuis plus rien. Tu es sûre que ça va ?

- Oui oui, on s'est juste embrouillées. Je n'ai pas envie d'en parler, assuré-je avec froideur avant de prendre l'assiette qu'il me tend avec un sourire désolé.

- Madi, laisse moi entrer. Laisse moi une chance de m'expliquer.

Son regard essaie terriblement de m'atteindre et je n'ai pas l'énergie nécessaire pour lutter. Je lui ouvre le passage et il part s'asseoir sur mon lit. Je le rejoins et une atmosphère un peu lourde s'installe dans la pièce. Je ne serai définitivement pas la première à briser le silence, ça c'est certain.

- Maman ne m'a pas vraiment laissé le choix, tu sais, se décide t-il. Si ça n'avait tenu qu'à moi, tu n'aurais jamais mis un seul pied à ce bal, tu peux me croire.

- Je me fiche de ce qu'elle t'as dit. Je croyais qu'on se disait tout toi et moi, «aucun secret» tu te souviens ? On a toujours le choix Caspar, et tu l'as choisie elle. Moi qui croyais que tu surveillais mes arrières.

Il baisse les yeux et scrute ses pieds avec gêne. Je pose l'assiette de pancakes sur ma table de nuit, définitivement incapable d'avaler quoi que ce soit.

- Tu aurais dû la voir, elle m'a presque supplié, reprend-il. Elle a dit qu'il n'y avait aucune raison qu'on te prive de t'amuser à cause de lui et que tu t'en voudrais beaucoup de rater ce bal. Et maintenant encore je persiste à croire qu'elle n'avait pas totalement tort sur ce point. Tu ne vas pas t'empêcher de vivre éternellement Madi. Le monde qui t'entoure est tellement beau, et pourtant tu ne le vois même pas. Tu es beaucoup trop occupée à te préserver pour ça. À chaque pas que tu fais, tu as l'impression que tu pourrais te blesser, que la branche sur laquelle tu marches peut casser à tout moment, et cela rend ton champ de vision tellement réducteur. C'est comme si tu te sevrais toi-même du bonheur. C'est comme si tu respirais juste pour faire plaisir aux autres, comme si tu ne croyais plus en l'avenir, comme si le temps s'était brutalement arrêté en t'aspirant avec lui, comme si tu étais restée coincée ce jour-là à tout jamais.

Begin again - Harry StylesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant