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Je retourne dans ma chambre et je m'allonge sur le lit. Je regarde ce plafond blanc que j'ai regardé une centaine de fois. Je connais chacune de ses variations et de ses imperfections.

Quelques heures plus tard le dîner arrive. Je n'ai vraiment pas faim mais je me force un minimum. Le repas est composé de:
-betteraves
-Poisson pané
-purée
-camembert
-Tarte aux pommes.
Je mange les betteraves et le poisson. À partir de demain,tout ça est fini. Je serai surveillée à chacun de mes repas. Je stresse. Déjà au lycée, je n'aimais pas manger à la cafétéria devant tout le monde.

Je branche ma sonde et je regarde la télé. Aujourd'hui c'est vendredi donc je regarde une émission divertissante qui passe tous les vendredis.
03h53 s'affiche sur l'horloge. L'émission est déjà finit depuis longtemps mais je ne dors toujours pas. La télé est éteinte et je suis allongée sur mon lit dans le noir.

Je me sens vide mais tellement vide. À l'intérieur de moi c'est le néant. Le vide complet. Je crois bien que je ne ressens plus, aucune émotion. Si on m'avait dit un jour que je tomberai aussi bas., j'aurai rigolé et pourtant c'est le cas aujourd'hui. Je suis tombée bien bas.

Mercredi 25 Novembre.
Je crois que j'ai fini par m'endormir puisque je me réveille par des bruits de cris incessants. Bizarrement, ils sont près de moi. C'est dans la chambre d'à côté. Les infirmières se précipitent déjà.
Une infirmière qui se nomme Aline rentre dans ma chambre pour la pesée et pour prendre mes signes vitaux. À partir de maintenant, on va surveiller mon poids, ma tension, et mon rythme cardiaque tous les jours mais je n'aurais pas tout le temps connaissance de mon poids. On nous pèse à jeun pour savoir notre vrai poids. 29.5kg s'affiche. Elle le note sur sont petit carnet et s'en va.
J'ai repris 500g. C'est peut être rien mais pour moi si. Je ne veux pas grossir. J'essaye de me rassurer en me disant que c'est peut être de la rétention d'eau.
Le petit déjeuner arrive à la même heure. Il se compose de :
-Pain
-Un peu de lait
-Beurre
-Confiture
-Une pomme
-Et un jus d'orange
J'ai voulu changer un peu ce matin en intégrant de la confiture.
L'infirmière à côté de moi, qui se nomme Julie, ne cesse pas de me fixer jusqu'à ce que j'ai fini. Mais on a bien parlé aussi. Elle est rousse et a les cheveux courts qui peinent à s'arrêter à ses épaules. Elle a les yeux marrons-noisettes. Elle est un peu extravagante mais super gentille. Elle a trente-deux ans et a deux jumelles de dix ans, Léa et Lila, et un petit garçon de trois ans, Evan. J'aime bien parler quand je mange. Ça me permet de ne pas penser aux calories. Et pourtant je sais que le total de mon petit déjeuner revient à 450 calories. Ce qui est déjà énorme mais je dois encore boire un complément à 300 calories. Julie me regarde le boire et le finir. Quand je finis elle me dit à ce midi et sort de ma chambre. Une autre infirmière passe pour débarrasser. Dès que l'infirmière s'en va, je cours au toilette me faire vomir. Je ne peux pas garder tout ça en moi. À genou au bord de la cuvette et deux doigts enfoncés dans la gorge, je me sens bien. C'est paradoxale mais je me sens libre. Ça me brûle la gorge. Ça me fait mal mais je continue. Je vomis même du sang mais je continue jusqu'à ne plus rien avoir. A partir de maintenant je vomirai à chaque repas.

750 calories. Voilà le total de mon petit déjeuner. 750 calories,c'était même pas le nombre de calories que je mangeais en une journée.

Les calories. Ils possèdent ma vie. Toujours compter encore plus. Tant de calories mangés pour tant de calories éliminés. Toujours éliminés plus que ce que l'on mange. J'avais le contrôle comme ça. Mon petit livre des calories sur moi et l'application dans mon téléphone, j'étais forte. Je controlais ce que je mangeais et c'était bien.
Maintenant je connais tout par coeur, sur le bout des doitgts. Dans ma tête c'est une vrai calculatrice.
Une pomme, soixante-cinq calories. Un thé vert, trois calories. 70g de riz, quatre-vingt onze calories. C'est ça le contrôle, du moins,c'est ce que je crois..

Je pars ensuite à la douche. Je m'habille simplement d'un legging noir et d'un pull gris. Avec bien sûr de belles grosses chaussettes confortable.
On est bientôt en hiver mais le temps est déjà très froid.
C'est bientôt Noël aussi. Dans le service, des enfants ont dessinés des sapins de Noël, des cadeaux, des père-noël..etc Tout les dessins sont accrochés au mur. Des guirlandes rouges et vertes viennent pimenter le tout. Et enfin un petit sapin vert, décoré,est près du bureaux des infirmiers.
J'espère avoir une permission pour Noël. J'espère rentrer chez moi et voir mes parents. Pouvoir les serrer dans mes bras et leur dire que je les aimes malgrès tout.
En me brossant les cheveux, une touffe tombe. J'ai déjà perdue mes cheveux mais pas autant. En temps normal c'est des petites touffes mais là non. Ça me fait peur.
Je m'assois sur mon lit pour écrire un peu. Je suis perdue.

J'écris. Sans savoir pourquoi,j'écris. Les mots s'enmêlent et se demêlent au rythme de mon stylo sur ce papier et sur ces lignes. C'est peut être pas beau et bien écris mais j'écris quand même. J'écris pour oublier la personne que je suis réellement et celle que je ne serai jamais. Pour oublier que je ne suis qu'une grosse fille. J'écris pour oublier qu'autour de moi ça ne va plus du tout. C'est moche et mal tournée,sans aucun sens et aucun intérêt,ça sonne creux et ça n'a aucun but. J'écris au rythme de ma vie et mes envies. Et parfois ça en devient ridicule et grotesque de se perdre au milieu des ses mots les uns alignés aux autres comme si chacun jouaient un rôle très précis. Je me perds au fil et à mesure que j'écris mais au final,c'est pas grave. Le but n'est pas de faire quelque chose de beau mais de se pedre et d'oublier sa vie le temps de quelques instants. Puis l'émotion de la fin vient car je sais que quand je poserai ce stylo je ne serais plus dans mon monde mais je retournerai dans la vraie vie au milieu des cris incessants et de la tristesse.

La guérison du mental. ||terminée||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant