V : Quand la Vie ne tient plus qu'à un Fil

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Adria entendit la lame siffler dans l'air et la vit se rapprocher dangereusement de son visage, elle crispa sa mâchoire, à l'attente de la mort.

Puis, soudain, l'épée tomba à terre en un cliquetis retentissant dans le silence de la nuit et l'homme s'affaissa devant les yeux incrédules de la jeune fille. Il était mort, le crâne transpercé par un couteau de lancer, planté nettement dans son front au dessus de son nez. La plaie était nette mais sanglante.

Son cadavre heurta le sol dans un bruit sourd, rebondissant bizarrement sur les pavés. La jeune fille était complètement abasourdie.

Quelques secondes plus tôt, un soldat Borgia était sur le point de la tuer, et voilà maintenant que son corps gisait inanimé à quelques centimètres d'elle. C'était carrément insensé.

Puis, réfléchissant à toute vitesse pour essayer de comprendre, elle se rappela subitement.

Adria se retourna vivement, sa main blessée, douloureuse, toujours serrée contre son ventre. Et là, elle comprit. L'homme qu'elle avait sauvé venait à l'instant même de lui rendre la pareille.

En effet, il était adossé à la façade d'une des maisons entourant la cour, une main sur son flanc, l'autre tenant un couteau de lancer miniature, identique à celui qui avait fauché la vie du soldat.

D'autre part, Adria crut discerner un semblant de sourire sur son visage crispé de douleur, qu'elle interpréta comme de l'amusement. C'est à ce moment précis que l'homme se mit à parler :

"Si ça ne te dérange pas, fit-il d'une voix où pointait la souffrance qui le ravageait, ça ne serait pas de refus si tu m'aidais un peu."

À la fin de sa phrase, il eut une quinte de toux qui le plia en deux, crachant même un peu de sang. Il finit par s'écrouler de nouveau à terre, adossé du mieux qu'il pouvait contre le mur.

La jeune fille, surprise, se remit debout tant bien que mal, et ramassa son poignard avant d'en essuyer la lame sur l'uniforme d'un des cadavres, puis elle le rangea dans sa botte, tout en s'approchant prudemment de l'inconnu.

Malgré le fait qu'elle lui ait sauvé la vie et qu'il ait fait de même, Adria préférait rester vigilante. Il avait bien réussi à tuer un soldat, alors qu'il était blessé, à terre et loin de celui-ci, alors elle ...

Comme s'il avait deviné son appréhension, l'homme remit son couteau de lancer dans sa ceinture qui, visiblement, en supportait bien d'autres, et leva sa main en signe de non agression.

Un peu rassurée, la jeune fille vint s'accroupir à ses côtés, et, après avoir demandé l'autorisation d'un mouvement de tête, elle écarta le main ensanglantée qui recouvrait la blessure.

Ce n'était pas beau à voir. Une lame avait traversé son côté de part en part, laissant un trou béant derrière elle. Cependant, elle ne semblait pas avoir touché d'organe vital, étant donné la position excentrée sur le côté de la blessure et la vitalité de l'homme.

Puis, toujours avec l'assentiment muet du blessé, elle déchira un long morceau de son étrange  tunique blanche pour venir le serrer autour de son flanc, en faisant plusieurs tours pour éviter que la bande ne s'enlève toute seule.

Malgré tout, si l'homme ne voyait pas un médecin dans les dizaines de minutes à venir, il risquait de succomber, au vu de la quantité de sang qu'il avait déjà perdu, et qu'il continuait de perdre malgré le semblant de pansement compressif qu'elle avait tenté d'élaborer.

Adria en profita aussi pour se faire un bandage sommaire à la main gauche, le nouant solidement à l'aide de ses dents.

Le blessé l'observait, attentif, entre deux grimaces de douleur. Il était pâle mais ses yeux brillants témoignaient de sa forte détermination. Pas une fois il n'ouvrit la bouche pour engager la conversation, ce que, de toute façon, Adria aurait trouvé stupide. Il valait mieux qu'il garde ses dernières forces pour rester conscient jusqu'à ce qu'un médecin l'ausculte.

Puis, estimant que le bandage était suffisant, la jeune fille se releva. Manifestement, l'homme était trop lourd pour qu'elle le porte jusqu'à un médecin, sa tâche allait être compliquée si elle devait le trainer ...

Puis soudain, elle se souvint. Plantant l'homme sur place avec un petit "Bougez pas, je reviens.", ce qui était ridicule au regard de son état, elle se mit à courir vers la ruelle par laquelle elle était arrivé.

Au bout de quelques instants, elle aperçut ce qu'elle cherchait : le cheval alezan qu'elle avait attaché quelques dizaines de minutes plus tôt, après son «altercation» avec le garde.

La jeune fille fonça vers lui et décrocha les rênes d'une main tremblante. Ce cheval était sa dernière carte à jouer.

Puis, faisant fis du bruit que faisaient ses sabots en heurtant les pavés, elle grimpa sur son dos et le dirigea vers le blessé. Le cheval, un peu paniqué de cette soudaine activité, rua deux fois, avant de partir au trot vers la place.

Diriger un cheval avec une main en moins, dans le noir et quand on était quasiment jamais monté sur un équidé, ce n'était pas une tâche facile. Néanmoins, la vie d'un homme était en jeu, alors Adria apprenait du mieux qu'elle pouvait : c'est-à-dire toute seule, sur le tas.

Elle manqua de s'étaler à terre lorsque le cheval, sentant sa nervosité et sa peur et humant pour la première fois l'odeur du massacre, fit un écart lorsqu'il rencontra le premier cadavre au sol.

Elle arriva néanmoins en un temps record, pour une débutante, près de l'homme. Elle démonta rapidement et se précipita vers le blessé. Il haletait sous la douleur, et son visage reflétait son combat intérieur contre l'évanouissement.

"Je vais vous amener chez un médecin, dit-elle un peu paniquée, vous avez besoin de soins urgents.

-Mauvaise ... idée ..." souffla-t-il entre deux grimaces de souffrance.

Adria, se moquant bien de ce qu'il venait de dire - de toute façon, il devait délirer sous la douleur. Elle passa son bras sous ses épaules pour le soulever et l'aider à se mettre debout. Une fois sur ses jambes, elle l'aida à s'agripper au cheval et aux rênes pour qu'il se mette en selle.

La jeune fille l'aida difficilement à se hisser sur le dos de la bête, au prix d'un effort surhumain et d'encouragements intérieurs. Une fois en selle, l'homme s'affala contre le cou de l'équidé, apparemment éreinté et au bord de l'inconscience.

Avant de monter à son tour, Adria fit rapidement le tour de quelques cadavres afin de les délester de leurs bourses, désormais inutiles. Puis, se faisant, elle grimpa avec difficulté derrière le blessé. Elle l'entoura de ses bras pour le maintenir en place et éviter qu'il ne tombe pendant le galop, puis elle saisit les rênes et fit virer le cheval vers une des issues de la place.

Arcanes | Assassin's CreedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant