XIX : Noyade

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Je voulais juste illustrer ce chapitre avec une citation d'un poème, qui, je trouve, s'accorde bien à la situation.

"Il mourut poursuivant une haute aventure,
Le ciel fut son désir, la mer sa sépulture :
Est-il plus beau dessein, ou plus riche tombeau ?"

Philipe Desportes.

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La chute fut rude et l'eau resserra son étreinte glacée et mortelle autour du corps meurtri d'Adria. L'eau s'infiltra dans sa bouche, encore ouverte en un cri muet, elle alourdissait considérablement ses vêtements et sa cape, cette même cape qui en ce moment-même l'attirait inexorablement vers le fond à cause de son poids.

Ses cheveux flottaient devant son visage, comme un halo mortel. Elle voyait au dessus d'elle la surface lumineuse, les faibles rayons du couchant traversant la surface, et les flots s'agitant autour d'elle.

La jeune fille bougea hâtivement ses doigts pour tenter de défaire le nœud qui retenait son lourd vêtement, à présent gorgé d'eau qui l'attirait vers les ténèbres et lui serrait la gorge.

Elle regretta amèrement d'avoir lâché son coutelas avant sa chute, il aurait pu lui être d'une grande aide. Cependant, après quelques secondes de panique à essayer de libérer son cou, elle y parvint enfin. Le lourd manteau s'enfonça dans les flots derrière elle.

Adria sentait ses poumons lui brûler atrocement l'intérieur de la cage thoracique, réclamant de l'oxygène immédiatement. Elle savait très bien que si elle ne faisait rien dans les secondes suivantes, elle mourrait noyée, lamentablement.

Elle battit donc frénétiquement des pieds, en désordre, mais la surface semblait toujours aussi lointaine et inaccessible. Dans un dernier éclair de lucidité, elle se mit à agiter ses mains devant son visage.

Soudain, elle sentit le courant la ramener brutalement à la surface. Sa tête creva l'eau, au moment où elle se sentait partir. La jeune fille ouvrit la bouche en grand pour inspirer une goulée d'air, mais à la place, elle reçut de l'eau, s'infiltrant dans ses poumons et sa gorge.

Elle toussa, essayant du mieux qu'elle pouvait d'éjecter cette eau hors de son corps tout en cherchant désespérément à reprendre son souffle.

Elle battait des pieds et des mains en tous sens, espérant que ça la maintiendrait quelque peu à flot pour qu'elle puisse respirer normalement.

Adria cherchait désespérément de l'aide du regard, mais le courant l'emportait au loin et elle voyait le pont rapetisser graduellement dans son champ vision. Elle avait du mal à voir la rive, et pour cause, elle était en plein milieu de la rivière, ballotée par les flots pourtant peu agités, à une vingtaine de mètres de la terre ferme et, bien évidement, elle n'avait pas pied.

Soudain une énième vaguelette lui tomba dessus, la faisant cette fois-ci couler violemment, ne lui laissant pas le temps de reprendre sa respiration avant le plongeon.
Elle se retrouva une nouvelle fois sous l'eau, à suffoquer pendant que le courant l'entraînait vers le fond et une mort certaine. Elle sentit son carquois se vider de ses flèches, venant accompagner son inexorable descente aux enfers.

Finalement, la jeune fille renonça à lutter. De toute façon, elle n'était pas de taille contre cette rivière, si encore elle avait su nager, elle aurait pu s'en sortir. Si seulement ...

Sa vision se brouilla peu à peu, elle sentait les forces quitter lentement son corps pour l'abandonner aux éléments. Elle vit passer devant elle un voile blanc, puis quelque-chose ressemblant vaguement à un homme.

Alors, dans un dernier réflexe de survie, elle prit une inspiration, gorgeant ses poumons d'eau, ce liquide vital devenu mortel. Cette rivière serait son tombeau et sa sépulture.

La forme humanoïde qu'elle avait déjà remarqué semblait se rapprocher d'elle, auréolée d'un halo de lumière provenant de la surface.

“C'est la fin, pensa-t-elle, un ange est venu me chercher. Pourtant, je ne mérite pas ma place au paradis, après toutes les horreurs que j'ai commises. Ou alors c'est un leurre, Lucifer en personne venant m'emmener, sous la forme d'un homme pour me tromper."

Ses pensées devinrent complètement confuses et c'est à peine si elle sentit deux bras s'enrouler autour de son torse, sous ses épaules, pour venir la tracter vers la surface.

Après quelques interminables secondes, la tête de la jeune fille creva la surface. Elle était au bord de l'évanouissement mais ses réflexes vitaux étaient toujours en activité. Elle inspira de l'air instinctivement, toussant et crachant, se laissant trainer vers la rive, la tête maintenue en dehors de l'eau par une main inconnue.

Ses yeux brouillés aperçurent enfin le bord, elle luttait pour rester consciente, sachant que si elle fermait les paupières elle ne les réouvrirait plus jamais. Elle ne sentait plus son corps et ses seuls muscles encore en fonction étaient son coeur et ses poumons.

Adria sentit une deuxième paire de main l'attraper fermement, la traînant de force vers le bord. Elle délirait complètement, fixant le ciel sans le voir. Elle entendait bizarrement, comme si sa tête était encore plongée dans l'eau.

D'ailleurs, sa tête ... sa tête l'élançait douloureusement à chaque battement de son coeur et ses poumons semblaient vouloir s'échapper de sa poitrine. La souffrance était telle qu'elle préférait mourir.

Soudain, elle sentit la terre sous son dos, on l'avait allongée sur la rive. Un homme se pencha au dessus d'elle, elle ne distinguait pas son visage tellement il était brouillé et diffus. Il bougeait les lèvres, sûrement pour lui parler, mais la jeune fille n'entendait rien. Elle était partie, les yeux dans le vide, fixant des choses que les autres ne pouvaient voir.

Un deuxième visage apparut dans son champs de vision, puis on la saisit par les épaules pour la remonter en position assise. On lui secoua un peu les épaules, et ce fut suffisant pour qu'un haut le coeur la saisisse immédiatement.

Adria vomit un mélange d'eau, d'aliments et de bile amère sur le côté, toujours soutenue par quatre bras solides. Elle fut prise d'une quinte de toux et elle régurgita encore une fois un peu de cette mixture immonde. Elle sentait sa tête tourner horriblement.

On lui ôta son arc et son carquois, désormais vide, avant de la revêtir d'un ample vêtement blanc, chaud et sec. Elle commençait vraiment à frissonner, en hypothermie, et son corps menaçait à tout moment de lâcher.

Les deux hommes parlaient au dessus d'elle et, même si elle ne pouvait comprendre leur parole, elle voyait bien qu'ils étaient très inquiets.

Soudain, l'homme qui semblait le plus âgé la prit dans ses bras, l'emmenant. Il la serra contre sa poitrine pour la réchauffer.
La jeune fille, dans un dernier moment de conscience, croisa ses sublimes yeux noirs, cachés sous son capuchon blanc.

“Ne t'inquiète pas, dit-il, ça va aller."

Elle se sentait partir.

“Ça va aller."

Elle ferma les yeux.

Arcanes | Assassin's CreedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant