XXI : Ébauche d'Amitié

1.2K 124 12
                                    

Adria se réveilla subitement. Elle ouvrit les yeux, haletante et couverte de sueur. Elle porta immédiatement la main à sa tempe, prise de douleur. Elle y trouva un épais bandage qui lui enserrait complètement la tête.
Son mal de crâne était horrible mais ce n'était rien par rapport à l'expérience traumatisante qu'elle avait vécu. Rêver de sa propre mort était déjà très douloureux, alors vivre la seconde mort de son frère aîné, décédé en même temps que ses parents, c'était insoutenable.

La jeune fille aurait aimé qu'il soit encore vivant, mais sa vie avait pris fin de manière brutale et elle n'avait même pas eu l'occasion de lui dire adieu. Elle ne l'avait même pas vu le jour même de sa mort. Elle regrettait tellement de ne pas avoir été là, pour protéger les êtres qui lui étaient chers, ou pour tout simplement mourir avec eux et s'épargner toute cette peine.

Elle secoua la tête énergétiquement, ces souvenirs étaient encore vifs dans son esprit, comme si cela ne s'était passé qu'hier, et son cauchemar n'arrangeait pas les choses.
Elle balaya la pièce du regard.

C'était une petite chambre, seulement meublée d'une armoire et d'un lit, dans lequel elle était allongée. Une fenêtre donnait sur l'extérieur, cependant les volets étaient fermés. Malgré tout, elle pouvait deviner que l'aube était proche au vu de la lumière qui perçait par les interstices entre les planches. On y voyait presque parfaitement, et ses yeux détaillait le moindre détail de la pièce.

À ce moment-même, la porte s'ouvrit à la volée et un jeune homme déboula dans la pièce.

“Ça va ? demanda-t-il essoufflé. Je t'ai entendu crier, tout va bien ?"

Il s'était approché du bord du lit et Adria eut un blocage, incapable de formuler une réponse correcte, lorsqu'elle aperçut le visage de son interlocuteur. Même cheveux blonds, courts, en bataille. Même forme de visage. Même yeux verts d'eau. Et même regard affolé.

Son rêve prenait vie devant ses yeux.

Elle bloqua complètement, bafouillant des mots incompréhensibles devant son incrédulité.

“Theï ? finit-elle enfin par articuler. Theï c'est bien toi ?"

Le jeune homme fronça des sourcils, la regardant de travers, se demandant sûrement quoi répondre.

“Pardon ?"

“Tu es Theï, oui c'est toi, tu lui ressemble comme deux gouttes d'eau."

“Désolé, tu dois faire erreur, je ne m'appelle pas Theï mais Naldo. Je ne sais pas qui est ce Theï, mais en tout cas ce n'est pas moi."

Il lui sourit, visiblement gênée de ne pas être la bonne personne. Adria le fixa, partagé entre le sentiment d'incrédulité de trouver un jeune homme ressemblant à son frère après avoir rêvé de lui ou l'envie de crier qu'il mentait, que c'était réellement son frère, qu'il mentait ou qu'il devait avoir perdu la mémoire.

Malheureusement, le jeune homme qui se tenait en face d'elle n'était visiblement pas son frère, sinon il lui aurait sauté dans les bras en la retrouvant.

Adria sentit les larmes commencer à envahir ses yeux, elle en avait marre de ses émotions qui jouaient au yoyo au creux de son ventre.

Le jeune homme s'assit à côté d'elle sur le lit. Bizarrement, la jeune fille était confiante avec lui, elle n'avait pas le même besoin d'être seule que d'habitude. Peut-être était-ce le fait qu'il ressemblait étrangement à son frère aîné décédé, toujours est-il qu'elle avait plutôt envie qu'il reste dans sa chambre, avec elle.

Elle essayait de retenir ses larmes comme elle pouvait, c'était stupide, une tueuse comme elle ne pouvait pas pleurer. Car oui, malgré elle, elle était devenue une tueuse. Comment pouvait-elle passer d'une indifférence totale envers les vies qu'elle enlevait à un état extrême, vulnérable comme une petite fille ?

Finalement, elle craqua, les larmes qu'elle avait trop longtemps retenues dévalèrent ses joues et elle enfouit son visage entre ses mains, cachant ses joues ravagées au regard du jeune homme.

Soudain, elle sentit qu'on l'enserrait, elle releva la tête et croisa le regard compatissant de Naldo. Il la serra encore plus dans ses bras, Adria posa donc son menton sur son épaule, peinant à retenir les sanglots qui secouait son corps tout entier.

“Ça va aller, lui dit-il doucement. Tu es vivante, et on va retrouver ce Theï, je te le promet."

Cette phrase accentua encore plus le malaise de la jeune fille, elle fut prise à nouveau d'un sanglot assez violent qui, si Naldo n'avait pas été là, l'aurait recroquevillé sur elle-même dans une position de faiblesse extrême.

Elle émit un petit rire nerveux, ponctué de larmes.

“Tu ne peux pas ... tu ne peux pas le trouver ... c'est impossible ..."

Le jeune s'écarta un peu, fronçant les sourcils d'incompréhension, mais gardant néanmoins ses bras autour des épaules de la jeune fille pour la soutenir.

“Mais pourquoi ?"

Adria explosa une nouvelle fois en sanglots, le corps parcouru de petits spasmes, se serrant les doigts compulsivement, comme si cela pouvait l'aider à chasser son chagrin et se rassurer.

“Parce que tu ne peux pas ... tu ne peux pas le trouver ... tu ne peux pas parce que ... parce qu'il est mort..."

Le jeune écarquilla les yeux, et se confondit immédiatement en excuses.

“Je suis désolé, je ne savais pas, c'est donc pour ça que tu pleure. Oh, je suis sincèrement désolé ... Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?"

Il avait l'air tellement l'air sincère, Adria pouvait voir ses yeux luir dans les rayons du soleil levant filtrants à travers les volets. Il esquissa un sourire gêné et détourna quelque peu le regard.

Elle ne savait pas trop comment réagir, elle hésitait entre lui dire que, de toute façon ce n'est pas en s'excusant qu'il allait faire revenir son frère, et lui demander de rester pour lui tenir compagnie.

Plus elle cogitait et plus la deuxième option lui semblait favorable. Auparavant, elle ne se serait jamais laissé autant approché par un homme ou tout du moins, un homme vivant encore quelques secondes après ce contact, mais la ressemblance frappante entre Naldo et Theï lui soufflait qu'elle pouvait lui faire confiance.

“De toute façon, lui répondit-elle avec un sourire triste, tu ne peux rien faire pour le faire revenir, mais j'aimerais que tu reste ici le temps que le jour se lève, je n'ai pas envie de refaire le même cauchemar..."

Le visage du jeune homme s'éclaira légèrement, et il se rapprocha un peu plus d'elle en souriant. Il demanda silencieusement s'il avait le droit de venir plus près et Adria l'autorisa en un hochement de tête.

Il vint alors se placer derrière le dos de la jeune fille, l'enlaçant de ses bras musculeux et protecteurs. Elle nicha sa tête au creux de son poitrail, confiante, et se laissa aller totalement contre lui lorsqu'il commença à la bercer doucement.

Cela lui rappelait douloureusement les fois où son frère aîné le faisait, quand elle avait peur de l'orage.

Elle ferma les yeux, s'abandonnant totalement pour la première fois à l'étreinte protectrice d'un jeune homme qu'elle connaissait à peine.

Arcanes | Assassin's CreedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant