Forever Young

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Trois jours avant Noël, le centre commercial est bondé, il fallait s'y attendre et je ne suis absolument pas surprise. Il en faut bien plus pour m'épater et heureusement, mais il m'en faut peut-être trop ? À force d'en voir de toutes les couleurs et d'entendre des absurdités à tour de bras je suis moi-même devenue fermée au monde et aux autres, enfin je crois, je ne sais pas, je ne sais pas grand-chose à bien y réfléchir et c'est la définition même de la jeunesse à en entendre les doyens.

Pourtant je fais des études, et j'ai l'impression que plus j'apprends moins j'en sais, étrange paradoxe non ? Je vais vous raconter une courte histoire, celle d'une jeune fille de 17 ans aux allures plutôt banales et j'insiste uniquement sur le fait qu'elle soit jeune, libre à vous de l'imaginer comme vous le souhaitez, sa couleur de peau, de cheveux ou son style vestimentaire, elle est banale et jeune point.

Cette jeune fille c'est moi et comme je le disais je suis au centre commercial, trois jours avant la fête de Noël et je cherche un cadeau pour ma mère, oui il était temps vous me direz mais là n'est pas le sujet. Après avoir tourné en rond dans la galerie sans grand succès, je regarde du coin de l'œil la vitrine d'un magasin de chaussures que je connais bien et je n'ose y fouler un pied qu'au bout d'une heure à tourner en rond. C'est la boutique de chaussures préférée de ma mère, elle s'y chausse intégralement et me l'avait déjà dit je ne sais combien de fois. Pourquoi je n'osais pas y entrer ? Je ne m'y sentais pas à ma place, les chaussures de très bonnes qualité coûtaient relativement cher et le poids de la société, les clichés, savaient rappeler aux gamines de 17 ans qu'elles n'avaient rien à y faire, à moins que ça ne soit des petites bourgeoises prétentieuses ou pire : des déchets de la société prêtes à voler...

Et si à mon arrivée on ne m'avait pas classée dans la catégorie fille à papa, on m'avait très clairement classée dans la catégorie déchets et la vendeuse avait su me le faire comprendre au premier regard, vous savez celui qui vous enfonce six pieds sous terre ? Et bien j'ai reçu celui-là même. J'avais envie de faire demi-tour et de l'envoyer bouler seulement je n'avais pas trop le choix et je me mis à déambuler de longues minutes entre les chaussures, à les inspecter minutieusement. Quand enfin je me décidai sur une paire je jetai un regard discret sur le prix, c'était cher mais j'en avais les moyens, je me penchai pour trouver une paire à la bonne taille quand une voix m'interpella :

- Ce n'est pas les bonnes paires qui sont rangées sous les chaussures... C'est fait exprès...

J'adressai un regard contrit à la vendeuse, elle avait bien insisté sur le "c'est fait exprès" et son aplomb n'avait pas diminué d'un souffle quand je la regardai, mais je répondis d'un ton neutre ne trahissant aucune émotion, une sorte de froide politesse «Dans ce cas je voudrais cette paire en 37 s'il vous plait». Elle dût l'interpréter comme une forme d'arrogance et tira une moue agacée mais elle s'exécuta sans mot dire. J'étais lasse de ce petit jeu mais quelque part habituée, elle était juste moins discrète que les autres. Lorsqu'elle revint une boîte à la main elle clama «Je vous en donne qu'une de toute manière c'est juste pour essayer !» Non mais elle croyait quoi ? Que j'allais me barrer en courant avec ces chaussures de 10 cm de talons aux pieds? Et c'était quoi cette façon de me rabaisser devant les autres clients ?

J'ignorai la clientèle et répondis à la vendeuse qui avait déjà tourné les talons et qui ne se retourna pas quand je lui parlai.

- Inutile de m'en donner une, je ne vais pas l'essayer vu que c'est pour offrir. Cette fois mon ton était froid et sec.

- Ha c'est pour offrir ? Son ton était plus... normal... Elle ne savait pas que c'était Noël dans peu de temps ou quoi ? Je vois pas ce qu'il y avait d'étonnant dans ma phrase.

- Oui...

Quand je m'avançai à la caisse le porte-monnaie dans les mains elle semblait soudainement s'être déridée. Elle s'était même mise à sourire, et à parler normalement.

Ce genre d'événements est totalement fréquent, il y a quelques mois de ça une chaîne de supermarchés avait ouvert un nouveau magasin et une fois passé le portique de sortie je sonne. Bien sûr je n'avais rien volé et je ne sais pas pourquoi le portique s'était déclenché mais toujours est-il qu'à peine il avait sonné qu'une femme âgée à côté de moi a soupiré et lâché à voix haute un "Ça y est ça commence déjà!" suivi d'un regard noir en ma direction.

Je sais que la jeunesse est loin d'être parfaite et qu'elle semble se dégrader mais il faut voir au-delà de ça, la jeunesse ce n'est pas un statut fixe et défini mais une évolution au cours du temps, tout le monde a été jeune un jour et je doute fortement que ça soit ma jeunesse qui ait inventé toutes les «conneries» de la Terre.

L'éducation a un rôle primordial ainsi que l'influence due au monde extérieur, les anciens aussi ont fait des erreurs et c'est à cette nouvelle génération d'essuyer leurs erreurs laissées derrière eux tout comme la génération future se chargera de réparer les nôtres dans quelques années.

Tous ces jeunes représentent l'avenir, et bien que certaines formes de discriminations telles que le racisme sont connues, celle envers la jeunesse est taboue.

Oui les jeunes que vous voyez maintenant et traitez de petits cons seront les ingénieurs, médecins et avocats de demain. Mais quelle image auront-ils des générations précédentes ?

Texte par : -Nosta (Angie Harrow)

Les Plumes d'Onyx - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant