Bleu. Bleu. Bleu.
Ce mot résonne dans mon crâne en un écho épouvantable. Le temps semble s'être figé tandis que, crispée sur mon siège, je garde une bouche ouverte et des yeux fixes. Je sens brièvement quelque chose frotter ma main entaillée avant qu'elle soit enveloppée dans un tissu doux. J'ai l'impression que la vie a quitté mon corps, je l'aurais cru si je ne sentais pas mon souffle saccadé secouer ma poitrine. Mon champ de vision se limite à des tâches de couleur difformes et mes oreilles bourdonnent tellement que j'en ai mal au crâne.
J'ai envie de pleurer, mais mes yeux sont secs, heureusement pour moi. Fondre en larmes devant tous ses spectateurs après la crise que j'ai faite... Néanmoins, je bloque les sanglots qui montent en moi et qui menacent de franchir mes lèvres en de longues plaintes horribles. Ma poitrine me fait tellement mal et la douleur me fait oublier un instant qui je suis, où je suis et pourquoi.
Les secondes, les minutes et les quarts d'heure passent et le temps semble n'avoir plus aucune prise sur moi. Mais mon instant d'absence qui m'a paru durer quelques secondes a duré en réalité tout le reste de la cérémonie. Je suis soudainement sortie de ma torpeur par la voix du présentateur qui résonne dans mon crâne comme une alarme.- Merci aux candidats pour leur participation ! Disait-il. Travaillez bien et rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle cérémonie épatante !
Les représentants de chaque partie se sont levés pendant que le présentateur parlait et après une dernière poignée de mains, ils saluent le public et disparaissent derrière le rideau.
Après quelques secondes et quelques applaudissement, quelques-uns de mes camarades se mettent debout, aussitôt suivis par d'autres et je me donne une claque mentale pour bien me réveiller avant de sauter sur mes pieds malgré mes jambes tremblantes. Nous nous dirigeons tous vers chaque côté du rideau et je suis la file de filles tant bien que mal vers la partie droite en essayant de ne pas tituber. Peine perdue.
Nous passons chacune notre tour le rideau après une maladroite révérence au public et la pénombre des coulisses m'agresse les yeux dès que j'y mets un pied. Je fais quelques mètres, ne sachant pas où aller alors que tout le monde se disperse puis je m'effondre d'un coup sur le plancher poussiéreux. Les sanglots qui sortent de ma poitrine me déchirent la gorge et les larmes qui coulent désormais abondamment sur mes joues me brûlent les yeux. Je me recroqueville sur le sol et pleure tout mon soûl. Dans ma tristesse infinie, je sens à peine les bras de ma meilleure amie m'entourer ni ma tête se poser contre son cœur qui bat régulièrement. Pendant de longues secondes, je pleure mon désespoir sur la robe d'Anna, mon corps secoué de spasmes violents.
Quand j'ai vidé toute l'eau de mon corps, il me faut quelques minutes pour me calmer et retrouver une respiration normale. Un grand froid s'empare de moi et le silence qui suit mes sanglots déchirants est pesant.
M'armant de courage, je lève la tête vers le visage angélique d'Anna et je la regarde droit dans les yeux. Les siens, d'un bel émeraude hypnotisant, brillent et miroitent un peu mais ne cillent pas. Je comprends alors qu'elle retient ses larmes afin de ne pas me donner comme dernière image d'elle une fille en pleurs. J'aimerai pouvoir en faire autant mais j'en suis incapable. Nous nous regardons dans un silence qui exprime tous les adieux du monde parce que se parler ferait trop mal et serait trop dur. Je contemple son beau visage qui a toujours été à mes côtés et j'essaie de ne pas penser que l'époque où on se faisait des tresses dans nos chambres en parlant des garçons de l'école en pouffant est révolue.
Immobiles comme des statues de pierre, nous nous contemplons toujours quand Anna se jette soudainement dans mes bras et m'enlace fort. Une larme s'écrase sur mon épaule. Une seule. Je l'étreins à mon tour, aussi fort que possible et je veux que cet instant ne se termine jamais. Des souvenirs heureux avec elle défilent devant mes yeux sans que je puisse les arrêter et des larmes coulent à nouveau sur mes joues déjà rougies. Je ne veux pas la lâcher, je ne veux pas qu'on m'enlève mon pilier, je ne veux pas partir !
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Ora
Science FictionCinq cents ans après la guerre mondiale la plus dévastatrice que notre Terre ait connue, se dresse une cité construite sur les cendres des villes décimées : Ora. Divisée en deux parties, inégalitaire, elle repose sur un gouvernement ferme et dictato...