•Chapitre 28•

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La tondeuse à gazon est une machine infernale. Je ne savais pas qu'il était possible de raser la pelouse en utilisant ce drôle d'appareil mais apparemment, c'est plus rapide de faire rouler ce machin d'un bout à l'autre du terrain plutôt que de tout faire à mains nues mais le problème est que cet engin est beaucoup trop difficile à manipuler. Les vibrations qu'il produit sont telles que, combinées à son poids qu'il faut traîner devant soi, je ne parviens pas à le contrôler. Soupirant pour ce qui me semble être la centième fois, je décide de mettre en pause la machine pour jeter un œil derrière moi : la pelouse est tout simplement affreuse. Les herbes plus ou moins hautes et qui ont commencé à reverdir, sont taillées de manière inégale, comme si j'avais voulu dessiner des motifs en zigzag. En voyant le fruit atroce de mon laborieux travail, j'ai envie de lâcher une plainte à la face du ciel nuageux. J'en ai encore pour un moment à m'occuper du gazon à l'arrière du manoir et j'empiète déjà sur l'horaire de ma prochaine tâche. Je me laisse alors choir à côté de la diabolique machine pour me donner cinq minutes de répit. Je n'en suis plus à ça près. Du dos de la main, j'essuie les gouttes de sueur qui dévalent mes tempes.
Bien que l'état du ciel n'en donne pas l'impression, il fait déjà très chaud. Le mois de mars vient de commencer et avec lui, arrivent la lourde pression atmosphérique et les fortes pluies. Cela fait quinze jours que la mission décisive m'a été confiée mais je n'ai toujours pas trouvé le moment propice pour la mener à bien. David avait raison, je ne pourrais pas l'expédier sous peu.
D'ailleurs, en parlant de David, il me semble entendre sa voix lointaine qui prononce mon nom. Voilà que la fatigue me donne des hallucinations auditives maintenant. Je ne comprends que je n'ai pas rêvé seulement quand une main s'abat violemment sur mon épaule, me faisant sursauter et vaciller.

- Emma ! Oh Emma, je suis content que tu sois là ! Aide-moi, je ne sais pas quoi faire !
- David ? hoqueté-je. Mais qu'est-ce qui te prend de me faire une frayeur pareille ?

Je me retourne afin de lui envoyer mon regard le plus meurtrier mais je me heurte à son expression paniquée. Ses yeux azurs sont écarquillés de stupeur et sa bouche ourlée est tordue par un affolement tel que mon cœur en rate un battement. Il me fixe longtemps, clignant frénétiquement les paupières avec un empressement presque maladif puis soudain, il m'empoigne par les deux épaules et me secoue.

- Il faut que tu viennes, c'est urgent.
- Mais David...
- Vite !

Et comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une plume, il me ramène contre lui pour me remettre sur mes pieds avant de m'entraîner à sa suite. Il se met à courir à toute vitesse à travers le jardin, me traînant par les poignets, sans se soucier de mes trébuchements répétitifs.

- David, j'ai du travail moi aussi ! haleté-je.

Il m'ignore complètement et finit par s'arrêter devant la niche. Mon cœur rate alors un autre battement à la pensée qu'il ait pu arriver quelque chose à l'un des chiens.

- Qu'est-ce qui se passe ? demandé-je avec une appréhension soudaine tout en reprenant mon souffle.
- Juge la situation par toi-même.

Et il pousse la porte de la petite cabane plongée dans la pénombre. Aussitôt, les chiens jaillissent de l'ouverture en poussant des jappements avant de me tourner joyeusement autour. Je les compte : ils sont quatre à se presser contre mes chevilles. Il en manque un. L'affolement m'envahit à mon tour et je me précipite à l'intérieur pour tomber nez à nez avec la femelle recroquevillée sur la paille dans l'angle du fond. Un instant, je pense qu'elle est gravement blessée voire morte mais une fois habituée à la semi-obscurité des lieux, je me rends compte que son corps gonflé bouge à un rythme rapide impressionnant. Je m'approche tout doucement et je comprends soudainement qu'elle est en train de mettre bas.

- Oh, lâché-je, faute de trouver autre chose à dire.

David fait irruption derrière moi en contemplant la chienne avec peine.

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