Je n'en crois pas mes yeux. Ophélie se tient là, sur le seuil de la porte, les mains devant ses lèvres pour dissimuler sa bouche arrondie par la surprise. Ses grands yeux marrons sont écarquillés derrière les verres de ses lunettes à la monture noire et ses cheveux autrefois dénués de vie, tombent en cascade dans son dos en de parfaites boucles brillantes. Son corps mince mais ferme est cintré dans une magnifique robe bleu pâle toute simple dont le bout des manches et le bas de la coupe sont brodés de dentelle blanche. Une foule de mots se bouscule dans ma bouche si bien qu'au final, je n'arrive pas à prononcer la moindre parole. Tout cela me semble irréel, illogique. Ça ne peut pas être Ophélie, seulement une personne qui lui ressemble. Mais je vois dans son regard traversé d'une multitude d'émotions qu'elle me reconnaît. Pourquoi ne porte-t-elle pas la tenue propre aux domestiques ? Plus troublant encore, pourquoi a-t-elle appelé Mr Aymery Papa ? Incapable de bouger, je laisse Ophélie foncer sur moi pour m'étouffer dans une étreinte douloureuse mais qui me fait tellement de bien. Elle finit par s'écarter, tremblante d'émotion et les yeux brillants de larmes contenues.
- Je suis si contente de te voir, ma Emma ! Finit-elle par articuler, des trémolos dans la voix.
- Moi aussi.Je n'ai pu que lâcher ces mots dans un souffle, toujours sonnée par cette apparition aussi soudaine qu'inattendue.
- Vous vous connaissez ? Demande Mr Aymery, toujours cloué sur son canapé, l'air aussi surpris que nous.
Nous acquiesçons de concert. Ophélie me prend la main et me fait doucement rasseoir sur le fauteuil et s'installe ensuite sur l'accoudoir, juste à côté.
- Est-ce que tu as encore un peu de temps à m'accorder ? Dit-elle. J'ai tellement de choses à te raconter, c'est incroyable ce qu'il m'est arrivé. Mais d'abord, dis-moi d'où te viennent ces horribles plaques rouges ? Qui t'a fait ça ?
Je soupire longuement. Je n'ai ni l'envie ni le temps de lui raconter mes mésaventures et son récit a l'air cent fois plus intéressant. Avec désinvolture, je balaie ses questions d'un geste de la main, comme on chasserait une mouche.
- Ce n'est rien, trois fois rien. Parle-moi plutôt de toi, tu es rayonnante !
- Oh, merci. (Elle rougit un peu, ce qui lui donne un air mignon et timide.) Je vais commencer par le début. Tu dois probablement te rappeler le jour où je suis partie, je t'avais raconté comment s'était passée la visite du jour. Un couple a désiré m'engager. Cela faisait une année que j'étais là, que personne ne voulait de moi. J'étais à la fois triste de partir et contente de pouvoir enfin découvrir le monde extérieur. J'éprouvais toutefois un pincement au cœur de te laisser derrière moi. Enfin, passons. Ce couple réside dans une maison à peine plus grande que celle-ci, un peu plus éloignée de la Grande Place et d'ici. Ils ne sont pas aussi riches que d'autres nobles mais vivent dans un confort absolu. Il s'est vite avéré que je n'étais pas un bon choix pour eux, une domestique qui ne vaut rien. Je n'étais apparemment pas apte à exécuter les tâches qu'on me demandait. En fait, j'étais considérée comme une incapable qui ne sait rien faire alors que c'est faux. J'ai passé deux semaines chez eux avant qu'il ne déclare qu'ils allaient me jeter dans la Réserve. C'est le nom de cet endroit horrible dont je t'ai déjà parlé où l'on se débarrasse des personnes comme nous quand elles ne servent plus à rien. J'ai eu terriblement peur, Emma, tu ne peux pas savoir ! Mais heureusement, Mr Aymery, mon père, est arrivé au repas de famille, le dernier que je servais avant de partir vers la mort. Quand sa nièce, l'épouse, a manifesté son intention de se débarrasser de moi, il a opposé un refus. J'étais émue. Sa nièce lui a lancé avec désinvolture qu'il pouvait me prendre s'il le voulait afin qu'il ait au moins une domestique. Alors je me suis installée chez lui non pas comme domestique mais comme sa fille. Oui, Emma, il m'a adoptée. Bien sûr, cela ne se voit pas d'un très bon œil et c'est horriblement cher mais mon père ne voulait pas de domestique et il s'est pris d'affection pour moi. Je vis ici maintenant, pas en étant une noble mais la fille d'un noble et je suis un minimum respectée pour ça. C'est incroyable que cela est arrivé à moi !
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Ora
Science FictionCinq cents ans après la guerre mondiale la plus dévastatrice que notre Terre ait connue, se dresse une cité construite sur les cendres des villes décimées : Ora. Divisée en deux parties, inégalitaire, elle repose sur un gouvernement ferme et dictato...