•Chapitre 21•

167 17 31
                                    

- Je vais retirer ma main de ta bouche dans trois secondes, prononce lentement une voix grave, dépourvue de toute animosité mais qui n'en est pas moins impassible. Un seul cri et je t'en mets une, c'est compris ?

À l'entente de ces deux derniers mots, articulés avec un petit soupçon de menace dans le ton, je hoche frénétiquement le menton. Alors la main se retire lentement, avec une prudence démesurée, comme si j'allais sans attendre pousser un cri retentissant pour avertir les passants de la place -qui se contrefichent de moi, au passage- et dénoncer la présence de ces inconnus. Lorsque je sens que la main s'est assez éloignée, j'autorise enfin mes paupières à se soulever tout doucement, pour me préparer à découvrir l'identité de mes agresseurs. Seulement, je ne m'attendais pas à faire face à ça. Je retiens de justesse un cri de surprise en plaquant ma propre main sur ma bouche pour avaler le son qu'elle n'allait pas manquer de produire. Mes yeux s'écarquillent à la fois de terreur et d'incompréhension en même temps que mon corps se tasse sur lui-même pour se faire tout petit. C'est complètement inutile, l'attention de cinq individus qui forment un arc-de-cercle devant moi est entièrement rivée sur ma petite personne. Le visage de chacun d'eux est plongé dans l'ombre d'une énorme capuche noire, reliée à une longue cape qui recouvre leurs silhouettes entières. Dans l'obscurité de cette étroite ruelle malodorante, je pourrais presque confondre leurs silhouettes avec les ténèbres. Une aura mystérieuse émane d'eux et je fronce les sourcils en même temps qu'une infinité de questions percent mon cerveau et se précipitent sur mes lèvres. Heureusement que mes doigts sont toujours crispés dessus, bien que tremblants imperceptiblement. Prenant une profonde inspiration et voyant qu'aucun des inconnus n'est pressé de prendre la parole, j'abaisse le poignet et demande d'une voix chevrotante :

- Qui... Qui êtes-vous ?

Un faible ricanement retentit mais je ne peux pas deviner avec précision d'où il a fusé, les bouches étant également avalées par l'étoffe qui recouvre leurs têtes. La même voix qui m'a menacée de m'en mettre une répond aussitôt avec sarcasme :

- Tu n'es pas en position de poser des questions, ma petite.

Mes sourcils se froncent davantage et je ne peux m'empêcher de rétorquer, poussée par un courage inattendu et renforcé par l'adrénaline :

- Vous m'avez presque enlevée alors j'estime avoir le droit de savoir à qui j'ai affaire surtout que vous vous apprêtez peut-être à m'assassiner parce que je vous ai vus. Après tout, j'ai entendu quelque chose comme « Nous allons nous faire repérer », donc vous avez forcément un truc à cacher...

Je me mords la langue en m'injuriant silencieusement de tous les noms tandis qu'une atmosphère lourde succède à mon flot de paroles imprévu. Sentant leurs cinq regards me scruter attentivement, je résiste à l'envie de me donner une bonne paire de gifles pour punir mon impulsivité. Mais avec stupéfaction, je constate que les épaules de trois d'entre eux sont secouées par un rire silencieux.

- Elle parle trop, se moque quelqu'un, je ne sais pas lequel des cinq, dans un murmure étranglé.

Un instant, mon cœur rate un battement. Cette voix, qui a chuchoté ces mots avec légèreté, me semble familière. Respirant lourdement, je tente de me souvenir de l'endroit où je l'aurais entendue mais le souvenir m'échappe. Après un silence seulement troublé par les battements affolés de mon cœur, je parviens à la conclusion que c'est la panique qui me joue des tours. J'ai dû confondre cette voix avec l'une de mon passé. Secouant la tête pour me ressaisir, je fixe du regard la silhouette en face de moi, étant presque sûre que l'intimidateur soit lui ainsi que le chef de cette petite assemblée. Je réitère ma question avec plus de force cette fois-ci :

- Qui êtes-vous ?

Le chef avance d'un pas, dans un froissement de tissu et j'arrive à sentir son regard insistant à travers sa capuche. Il remue légèrement la tête, comme pour exprimer sa désapprobation quant à mon comportement, et lâche mollement :

OraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant