•Bonus•

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Voilà le petit bonus que j'ai décidé d'écrire pour les 1k ! J'espère qu'il vous plaira. :) Bises ! :3

Ella

Ella aime sa grande-sœur. Beaucoup. À la folie. Passionnément. Elle est la maman qu'elle n'a jamais eu. À la sortie de l'école, ses camarades se jettent dans les bras de leurs mamans, tandis qu'elle se jette dans les bras d'Emma. Emma qui a de magnifiques cheveux blonds, d'étonnants yeux marrons, de jolies tâches de rousseur. Ella aimerait dire que c'est le visage de sa grande-sœur qu'elle a vu en premier. Mais ce n'est pas le cas. C'est le visage de sa mère. Un visage si pâle qu'on voit le réseau de veines qui circule en-dessous, des yeux cernés qui pourtant, brillent d'une dernière lueur avant de s'éteindre à tout jamais, des cheveux aussi noirs que les siens, épars sur un oreiller jauni, des tempes luisantes de sueur, une bouche s'étirant vainement dans une dernière tentative de sourire et le sang. Beaucoup de sang. Voici ce qu'Ella a vu en premier, le visage de sa mère qu'elle rencontrait pour la première fois mais qu'elle voyait aussi pour la dernière fois. Cette seule et unique image issue d'une enfance trouble, sans présence maternelle ou presque. Heureusement qu'Emma était là. Elle est toujours là. Dans les moments de joie comme dans les moments de peine, le sourire d'Emma n'est jamais loin, illuminant sa vie. Bien sûr, il y a Papa. Mais Papa, c'est Papa. Il aime ses enfants plus que tout et tuerait pour leur survie. Mais Papa est malade, Ella le sait. Et il ne va jamais mieux. Ella sait qu'un jour, Papa partira au ciel, rejoindre Maman dans le doux confort des nuages et dans la clarté des étoiles. Mais Emma sera toujours là, pour veiller sur elle. Emma qui la rassure, qui lui murmure Je T'aime, qui sèche ses larmes et qui la prend dans ses bras. Emma qui raconte combien Maman était une personne merveilleuse et à quel point elle lui ressemble. Emma, c'est la source de sa vie, son point de repère.
Et Emma a eu seize ans il y a quelques jours. Bien sûr, Ella sait qu'après le seizième anniversaire, on ne va plus à l'école. Qu'au cours d'une cérémonie maintenue secrète aux yeux des enfants, on va décider du destin de sa grande-sœur. Ella prie de tout cœur pour que sa grande-sœur aille avec les riches, pour porter des robes à volants et dentelles, pour danser aux bras de garçons aux allures de princes et se remplir l'estomac de mets divins. Ella s'imagine une vie tellement meilleure dans l'Est. Emma y partirait tous les matins et le soir, elle lui décrirait sa journée dans les moindres détails, des étoiles dans les yeux. Oui, il faut qu'Emma aille dans l'Est.
Aujourd'hui, c'est le jour de la cérémonie. Ella a pu admirer sa sœur parée des beaux habits de fête fournis aux candidats pour l'occasion et a pu nouer ses cheveux d'or en une tresse en épi qui lui retombait gracieusement sur l'épaule. Elle était vraiment belle et rayonnante. Emma ne semblait pas s'inquiéter de son sort. Elle a même promis à Ella qu'elle serait de retour, même si celle-ci ne peut pas l'accompagner pour l'encourager. Alors, elle attend dans la maison des voisins, similaire à la sienne avec ces planches effritées, ces clous rouillés, cette odeur de moisi qui flotte et ce confort limité mais qui satisfait tout de même les occupants. Ella attend que sa grande-sœur revienne, un grand sourire aux lèvres pour lui annoncer qu'elle ira visiter l'Est -ou bien rester mais cette option n'est pas envisageable pour Ella-.
Les voisins s'occupent bien d'elle et lui proposent de s'essayer à plusieurs jeux pour passer le temps. Elle s'amuse tout l'après-midi, le cœur léger, sans se douter qu'à quelques kilomètres de là, sa grande-sœur serre dans ses bras son père défait, les joues baignées de larmes avant de monter dans un bus et partir pour toujours.
C'est au crépuscule que son père vient la chercher. Cela fait quelques heures qu'il aurait dû venir mais Ella n'en tient pas compte, elle s'est vraiment amusée et n'en veut ni à son père ni à sœur. Ils pourront festoyer à la maison ensemble jusqu'au couvre-feu. Papa est seul, debout dans l'encadrement de la porte, sa silhouette se découpant étrangement dans la lumière du soir. Ella en déduit que sa sœur est déjà à la maison. Le visage de Papa est transpercé d'un sourire qui éclaire les ombres qui se sont installées dans ses yeux et qu'Ella ne voit pas. Après avoir remercié les voisins, dont les visages se sont fermés, elle suit son père dans la maison, en sautillant. Si la porte ne menaçait pas de sortir de ses gonds, elle la pousserait de toutes ses forces pour se jeter en riant dans les bras de sa sœur.
C'est donc avec le sourire et trottinant qu'elle pénètre dans le salon, s'attendant manifestement à y trouver sa sœur, debout ou sur le vieux canapé. Mais Emma n'est pas là.

OraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant