Chapitre 9

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Le lendemain après-midi, Tobias décide d'aller voir sa mère dans le local où elle travaille, visite « de courtoisie »... En descendant du loop, il parcourt une partie du chemin à pied. Les rues sont plus animées qu'auparavant et surtout, les gens se mélangent. Il n'y a plus comme avant ces groupes de couleurs correspondant aux membres de factions se déplaçant ensemble, sans pratiquement jamais se mêler les uns aux autres. Là, peu portent les tenues attitrées des factions, la diversité a envahi les rues. Les devantures des bâtiments se sont ouvertes pour abriter des logements, de simples abris, et même des lieux d'échanges, le troc ayant explosé depuis la fin de la guerre civile. Cette diversité vestimentaire, ces mélanges de population offrent enfin un meilleur niveau de vie aux anciens Sans-faction, qui offrent leurs services, échangent leurs trouvailles et leurs créations sans être stigmatisés. Toute cette nouvelle animation a coloré les rues, mais engendré aussi un certain désordre : la nouvelle cité Chicago a besoin d'un nouveau cadre pour avancer, sur lequel travaille le gouvernement rénové.

Avant d'entrer dans le bâtiment, Tobias inspire profondément, et tente de prendre un visage calme et souriant, autant qu'il en est capable, puis tire la porte métallique, qui grince sous sa traction.

Le grand bâtiment, gris, en partie délabré, regorge de cases de la taille d'une chambre ou d'un salon, d'alcôves et d'escaliers. Ce devait être un grand centre commercial, abandonné au temps et aux intempéries. Et ça pourrait le redevenir, avec les efforts nécessaires. Un grand centre d'échanges, de biens, de services surtout. L'idée est bonne. La plupart des fenêtres sont brisées, le vent et la pluie en ont fait leur terrain de jeux, et il y flotte une odeur de moisissure et de poussière mouillée. La plupart des murs sont encore verdâtres. Seuls quelques parties de locaux ont été réparés, nettoyés et aménagés. Les fenêtres encore éventrées ont été obstruées par les panneaux de bois, en attendant mieux. Quelques personnes s'affairent, l'une à déblayer un local, l'autre à fixer des câbles. Dans un troisième, un homme travaille déjà à de menues réparations. Un bureau en bois simple et quelques meubles trônent dans le premier local sur la gauche. Derrière le bureau, Evelyn est penchée sur des documents et écrit.

- Bonjour Mère.

Evelyn lève les yeux et sourit.

- Tobias ! Quelle bonne surprise ! s'exclame-t-elle en se levant pour venir embrasser son fils.

Tobias réprime un mouvement de recul et se laisse appliquer une bise sur la joue. En cet instant, il remercie le ciel de ne pas avoir été élevé chez les Sincères, ou de ne pas avoir fui les Altruistes pour cette faction-là.

- Tu viens voir l'avancée du projet ? demande Evelyn.

- Je viens d'abord saluer ma mère, ment-il. Mais il est vrai que j'ai parlé de ce projet à Johanna, je viens voir si la gouvernance peut apporter quelque chose à ce grand chantier ? dit-il en se forçant à sourire.

- On a besoin de tout ! Matériaux de rénovation, électricité, meubles, et surtout, main d'œuvre.

- J'en parlerai à Johanna, je verrai ce qu'on peut faire. Je te ramène chez toi, si tu veux, j'ai une voiture aujourd'hui. Je dois aller visiter un ami du quartier ensuite.

- D'accord. Je suis chargée ça m'arrange, j'emporte des papiers. Phil ! Je pars, tu fermeras en sortant !

Une voix d'homme lui répond « ok » du fond du bâtiment, elle se tourne en souriant vers son grand fils, et tous deux se dirigent vers la sortie. Le trajet n'est ponctué que de quelques phrases. Ils n'ont jamais eu de longues conversations, écrasés par un passé d'absences, de différends et de frustrations, que rien ne peut rattraper. Tobias ne parvient pas à lire entre les lignes pour savoir si elle connaît l'existence de Tris, et qu'elle lui cache cette information, ou si elle n'est pas au courant. Les journaux sont faciles d'accès, et il ne voit pas pourquoi elle se tiendrait éloignée de l'actualité. Par moments, il jette un œil à ce qui n'est plus sa mère mais son bourreau, il se force à sourire.

Divergente 4 - RésurgenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant