Chapitre 43

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L'aéroglisseur évolue en direction du magistral barrage, sur le lac Michigan, mais à plus de vingt mètres en dessous de son niveau d'origine, qui est surélevé de l'autre côté du pont, là où prend naissance le lac Huron. Un champ de force bouillonnant colossal haut de trente mètres, dont le souffle grésillant étouffé commence à leur parvenir aux oreilles, retient l'eau du lac Huron, quarante mètres sous le niveau de la route sur le pont. De ce fait, ils se trouvent, eux, à près de cent mètres en dessous du tablier. De là où ils se trouvent, le mur magnétique, aussi long que le pont, forme une sorte de vitrine d'aquarium géant, blanchâtre et mouvante comme la surface d'une eau frémissante. Tous les cent mètres environ, un abaissement en créneau de la hauteur du champ de force provoque une succession d'énormes cascades déversant dans le lac Michigan, dans un énorme brouillard d'écume et d'embruns, le surplus d'eau que ne peut absorber le lac Huron pour rester à son niveau surélevé. Le barrage, magnétique comme Tobias l'avait supposé, est plus impressionnant qu'ils ne pouvaient l'imaginer.

Pétrifiée, Tris réalise qu'ils se trouvent derrière un mur retenant des millions de mètres cubes d'eau, qui pourraient se déverser en quelques secondes dans leur lac, sur eux, si le champ de force était interrompu. Il lui semble qu'un étau l'enserre soudain et l'empêche de respirer. Son sang quitte son visage et près de lui, Tobias la voit chanceler. Il l'attrape par la taille.

— Tris, ça ne va pas ?

— L'eau... il faut partir, si le champ de force est coupé... Si quelqu'un commande encore tout ça... Ne restons pas là, vite ! S'il te plaît, partons !

— Hey, calme-toi, lui répond-il en la serrant dans ses bras. Ce barrage fonctionne depuis plus de deux siècles, pourquoi se couperait-il aujourd'hui ?

Mais Tris, terrifiée, tremble de tous ses membres, tétanisée par la peur irrationnelle de son impuissance contre l'eau, accentuée par la noyade qui a failli leur coûter la vie dans les souterrains de Chicago. C'est le cauchemar des simulations, transposé dans la réalité. Tobias lui saisit le visage dans les mains et lui intime l'ordre de reporter son attention sur lui :

— Tris ! Regarde-moi ! Qu'est-ce-que tu ferais si tu savais que ce barrage va céder dans une heure ? Que ferais-tu, là, maintenant, si on devait mourir bientôt ?

La jeune femme terrorisée regarde son petit ami avec des yeux fous, embués. Elle cramponne son tee-shirt dans ses poings serrés. Le souffle court et sifflant, sa poitrine se soulève à un rythme rapide, en proie à une crise de panique, comme Quatre l'instructeur en a vu des dizaines pendant l'initiation des novices.

— Souviens-toi de la simulation, Tris ! Gérer ce qu'on a devant soi ! Tu es une Audacieuse, sois courageuse ! Réponds-moi, insiste-t-il fermement, mais avec autant de douceur que requiert la sourde peur de la jeune fille. Que ferais-tu si on devait mourir bientôt ?

— Je... t'aimerais, par tous les moyens possibles.

— Alors fais-le ! Tout de suite ! ordonne le jeune homme.

Tobias enlace fougueusement la jeune fille et l'embrasse passionnément. Enrobée d'un vertige dont elle ne sait plus trop l'origine, le barrage ou cette étreinte, Tris finit par céder à la chaleur du baiser du jeune homme, comme toujours. Ses mains lâchent son vêtement et entourent son buste pour remonter dans son dos. Elle répond avidement à ses caresses.

— Quatre ! Tu crois vraiment que c'est le moment ? raille Peter en regardant, étonné, le couple s'embrasser à pleine bouche.

Mais Mark lui pose une main sur le bras et lui fait un signe de tête en montrant Tris, toujours tremblante, dans les bras du chef de l'expédition. Peter comprend subitement le comportement étrange de son leader, et fait le rapprochement avec l'attitude qu'il a observée la veille sous la bâche.

Divergente 4 - RésurgenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant