Chapitre 38

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- Mmmh, Mark, c'est décidé, le canard est ma viande préférée, c'est un régal ! gémit délicieusement Tris.

- Surtout quand on n'a pas mangé depuis deux jours, hein ! la pique Christina. Quatre et toi, je vous ai jamais vus manger autant !

- Je peux plus rien avaler... souffle Tris. Vous auriez vu ce bel oiseau ! Sa tête vert profond, et ses belles plumes blanches et marron ! J'ai des scrupules quand même...

- Scrupules d'Altruiste ! pfff ! ricane Christina.

- Pas moi ! se délecte Tobias, c'est vrai que c'est super bon, Mark. Tu es notre assurance survie dans cette expédition, je sais pas comment on va te rendre la pareille.

- J'ai tout ce dont je rêvais, dit Mark en jetant un œil enamouré à Christina.

Il glisse sa main discrètement dans le dos de la jeune femme assise à côté de lui. Mais le geste n'échappe pas au limier en face de lui : Tobias esquisse un imperceptible sourire à l'attention de Christina, et pose sa main sur le haut de la cuisse de Tris, sous la table, pour attirer son attention sur la direction de son regard. Dès que Tris comprend ce que Tobias lui montre, elle sourit avec une émotion sourde et profonde, qui remonte à sa conscience les restes de culpabilité, les miettes de regrets, que Beatrice lui a légués. Christina s'en aperçoit.

- Tris ? A quoi tu penses ?

- Christina, ton bonheur, c'est ce qui importerait le plus à Beatrice aujourd'hui, je le sais... dit doucement la jeune femme.

- Ouais, je sais, répond Christina en jetant un regard gêné à Tobias.

Tris se demande comment lui, il peut ressentir ça, la renaissance émotionnelle de celle dont Beatrice a dû tuer le petit ami pour survivre. Le jeune homme lui-même a subi la culpabilité de Beatrice, rongée jusqu'à en avoir envie de mourir.

- Mais, je n'arrête pas de penser que, s'il n'y avait rien eu entre moi et Will, Tris – je veux dire ta sœur – n'aurait pas eu cette charge de culpabilité supplémentaire. Elle aurait peut-être agi avec plus de prudence...

- Elle a dû abattre plusieurs Audacieux, et en était totalement ravagée, dit Tris, les yeux fermés. Elle était tellement aveuglée par sa souffrance qu'elle a oublié de se dire que, dans ces actes de guerre, et en... tuant Will, c'est aussi notre mère qu'elle protégeait, elles étaient en fuite, et poursuivie par les Audacieux sous simulation.

- Je n'y avais jamais pensé, murmure Tobias. En fait, je crois que je n'ai pas su, ou occulté, le déroulement de cette journée-là. Je ne savais pas que sa mère était encore en vie quand le drame est arrivé.

- Elle protégeait sa mère... répète Christina hébétée.

Tris acquiesce. Plus personne ne s'étonne maintenant qu'elle sache des détails issus de la vie de Beatrice, que personne n'a pu lui raconter. Les liens qu'elle tisse entre les souvenirs qui lui ont été transférés, ses recherches et une mystérieuse hérédité mémorielle, lui construisent de plus en plus de ponts entre les récits entendus et la réalité.

- Je... crois que j'aurais peut-être aussi pu tuer un ami, pour sauver ma mère... articule Christina.

- C'est ça qui te rongeait ainsi ? demande Mark doucement en mettant son bras autour de ses épaules plus ostentatoirement. Savoir si tu aurais fait la même chose qu'elle pour protéger ta vie ?

- Je lui avais pardonné... Tris n'a jamais prémédité la mort de Will. Elle a sauvé la vie de centaines d'Altruistes, elle nous a évité de commettre un génocide abominable. Et elle nous a sauvé la vie, quand Jeanine nous a manipulés par le transmetteur, Hector, Marlène et moi. Mais je n'avais jamais pensé qu'elle avait pu protéger sa mère aussi... Et en y réfléchissant, quand elle m'a rattrapée dans le vide, j'aurais pu l'entraîner dans ma chute, elle était tellement poids plume... Elle... enfin, elle ne prenait jamais en compte sa propre sécurité quand elle agissait. Elle fonçait sans se poser la moindre question...

Divergente 4 - RésurgenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant