Chapitre 15

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Matthew accueille Tobias et Tris avec un sourire presque entendu. Le partage mémoriel entre les deux amis va compléter l'histoire de Tris, et Matthew espère que cela lui permettra d'effectuer de nouvelles connexions entre son passé familial et le présent. La complète construction psychologique de Tris semble être à ce prix.

Le scientifique installe ses patients du jour sur des lits d'examens côte à côte.

— Comme avec Christina, Tris. Une injection de sérum induisant un état de conjonction avec Quatre. Les électrodes et voilà. Quatre, tu sais que ce n'est pas comme le paysage de peur des Audacieux. Là, tu peux choisir tes périodes. Ta volonté guidera les visions.

— Combien de temps ça durera ? demande le jeune Audacieux, un peu tendu.

— Dans le même ordre d'idée que pour les patchs mémoriels. Tu peux arrêter quand tu veux en interrompant le transfert, tu appuies ici, répond Matthew en désignant une zone de la tablette près de son ami.

Matthew pique Tris dans le cou, puis son compagnon. Il place les électrodes, et s'éclipse pour suivre les enregistrements sur écran, dans la pièce voisine. Tobias sent la brume qui lui était si familière l'envahir, ce léger vertige qui précédait la plongée dans son paysage de peur. Il se prend à se demander si ce sont toujours les mêmes, aujourd'hui, s'il est toujours « Quatre ». S'il est toujours lui-même.

En jetant un dernier coup d'œil furtif à sa voisine, il sait que non.

Avant que la réalité ne s'efface devant ses yeux, il sent qu'on lui glisse quelque chose dans la main, comme un tissu de soie infiniment douce, ou une boule de plumes et de duvet. Mais la sensation prend la forme des doigts tièdes de Tris qui se referment sur sa main. Les cheveux de Tris coulent le long du siège en une cascade légère et caressent leurs poignets. Il ne cherche pas à lutter et se laisse emporter par son premier souvenir.

Tobias revit le jour des parents au milieu de l'initiation de sa petite amie, il sait que cela permettra à Tris de voir sa mère, et de le voir lui sous des auspices peu glorieux, imbibé d'alcool qu'il était ce jour-là, car il venait de découvrir les manigances d'Eric et Jeanine pour former une armée à la solde des Erudits.

Il repasse dans sa mémoire l'interception de Beatrice par Eric après son escapade chez les Erudits pour voir Caleb. La jeune fille s'était fait surprendre par le leader, alors qu'il était interdit de sortir du siège des Audacieux sans accompagnateur. Son instructeur avait menti pour la couvrir. Mais il sélectionne aussi sa sensation en voyant courir Tris vers le train, le cœur gonflé d'espoir et d'admiration, d'amour révélé, à la fin de la première étape de l'initiation, pour participer au jeu de guerre. Sa frustration, aussi, de voir, après la victoire, Tris la novice en fin de classement du stage un, partir pour la tyrolienne, alors que lui, Quatre, le premier de la promo, n'avait même pas eu le courage d'affronter la vertigineuse descente.

Tris se positionne dans chacune des visions, en spectateur invisible et assiste aux conversations, aux combats, ressent les sentiments. Elle suit l'évolution des rapprochements entre sa sœur et Tobias, la rudesse de l'entraînement, les soupçons de l'instructeur face aux nouvelles règles imposées par les leaders des Audacieux. Et la force grandissante du lien entre Beatrice et lui, la puissance de leur communion spirituelle, la violence de leur opposition parfois aussi, guidée par la peur, le courage, le sacrifice, la guerre et l'enjeu pour tous les êtres humains de la cité. Sur le visage de Tris, allongée sur le siège de simulation, ses expressions trahissent alternativement la joie, la peur, le chagrin, au gré des souvenirs que Tobias lui offre. Il ne lui cache que ce qu'il estime relever de l'intimité entre lui et Beatrice, incluant son chagrin au moment de lui dire adieu.

Divergente 4 - RésurgenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant