Chapitre 37

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Tris ne dort pas de la nuit, alternant les pleurs, qu'elle essaie de contenir pour ne pas réveiller son amie et Mark, et l'insomnie, tournant sans cesse dans son esprit ses dilemmes, ses regrets et ses questions.

De toute la soirée, la veille, pas un message, pas un signe, elle comprend maintenant que Tobias ne lui pardonne pas son omission. Elle se demande, dix fois dans la nuit, ou peut-être cent fois, comment on pouvait avoir mal comme ça, et n'en pas mourir sur le champ. Chaque image, chaque souvenir dans sa tête, griffe son cœur au sang à chaque évocation.

Le lendemain, les traits tirés, Tris se laisse entraîner par Mark au siège des Audacieux. S'entraîner aux couteaux les défoule tous les deux, Tris de sa peine et lui de sa patience envers Christina. Fou d'elle, le colocataire de la belle Audacieuse à la peau mate attend avec angélisme que guérissent ses blessures et qu'elle décide ce qu'elle veut faire de son pauvre amour transi. La veille, il était content que Tris prononce les paroles qui lui brûlaient les lèvres lui-même depuis des mois. Christina aussi doit s'autoriser à vivre de nouveau. Et quand bien même, y aurait-il de la place pour lui dans cette autorisation ?

Malgré ses efforts et son humour, Mark ne réussit pas à convaincre Tris de manger le midi. Espérant lui redonner un peu d'appétit, il l'emmène à la chasse l'après-midi, dans le véhicule électrique prêté à Christina par le gouvernement. Accueillant une nouvelle équipe d'ouvriers assignés à la rénovation du pont à l'embouchure du bras de la rivière se jetant dans le lac, la jeune métisse avait à organiser le logement de tous ces hommes, certains venus avec leur épouse et enfants, dans l'espoir de s'installer en ville.

Tout près des dernières ruines de maison, au nord-est de la ville, il arrête la voiture et propose à Tris de poser des collets.

— Même tout près des habitations, vivent des tas de lapins, il suffit de repérer leurs trajets habituels et mettre des pièges pour manger de la viande fraîche et tendre presque tous les jours !

Tris lui sourit pour faire bonne figure mais devant ses yeux, seul le regard de Tobias l'aveugle, sombre, ténébreux et surtout déçu. Elle ne peut pas se défaire de la dernière image qu'elle a vue de lui avant qu'il ne quitte furieusement le laboratoire, faisant trembler les instruments sur la table roulante près des fauteuils en claquant la porte.

Le temps est couvert mais sec. Le vent agite les branches des arbustes sauvages qui ont recolonisé les espaces autrefois habités. Des ronces impressionnantes promettent des récoltes de mûres délicieuses pour la fin de l'été. Dans un saule au-dessus d'une mare résiduelle, Mark coupe des branches pour apprendre à Tris à faire un arc et des flèches. Le résultat n'est pas concluant, la jeune fille n'a pas la tête à se concentrer. Mark se contente donc de celui qu'il a emporté pour chasser. Le nez en l'air, il cherche les oiseaux qui pourraient faire un honnête repas pour jeunes filles déprimées ou endeuillées. C'est finalement un canard mallard – ou colvert – nageant sur la mare qui attire son attention. Il fait signe à Tris de s'accroupir discrètement. Les canards ne sont pas très farouches mais ceux-là ne devaient toutefois pas souvent voir des habitants rôder autour de leur mare.

— Regarde ce beau canard mallard, je crois que sa chair ferait un bon repas, non ?

— Oui si tu veux, répond Tris pour faire honneur à son dévouement, mais sans le moindre enthousiasme.

La seule idée de manger lui donne la nausée.

— Je vais viser le mâle. Car la femelle est probablement déjà accompagnée de sa portée à cette époque. Les canetons mourraient sans elle, ils dépendent de leur mère jusqu'à ce qu'ils sachent voler.

Divergente 4 - RésurgenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant