Chapitre 4

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― Que s'est-il passé ? demanda sévèrement le capitaine en mettant pied à terre.

Âgé d'une trentaine d'année, ce dernier était plutôt bel homme malgré sa joue barrée d'une fine cicatrice. Son regard sombre, pour l'heure courroucé, reflétait à la fois fierté et vaillance.

― Ces salauds ont attaqué ma fille, dit mon père.

― Ils s'en sont encore pris à deux d'entre nous ! ajouta un autre.

― Êtes-vous blessés ? demanda le capitaine, tout en faisant le tour des cadavres.

― François a reçu une flèche, mais ça n'a pas l'air trop sérieux. Blaise et Paul sont blessés aussi.

― Transportez-les au manoir, ils y seront soignés. Les autres, rentrez chez vous. Nous nous chargeons des corps.

Sans insister, désireux de laisser ce carnage loin derrière nous, chacun rentra chez soi, laissant nos gardes faire le ménage.

― Pourquoi ne sont-ils pas arrivés plus tôt ? demanda Pierre vivement, en passant son bras autour de mes épaules. Ils pouvaient pas être là quand on avait besoin d'eux ?

― Peuh ! Ils arrivent toujours trop tard, que pour constater les dégâts, pesta mon père.

― Mais le manoir est loin ! les défendis-je. Ils font de leur mieux pour arriver au plus vite dès qu'une attaque est signalée...

― Mais ça ne sert à rien ! s'exclama Pierre. Et ils refusent de laisser une patrouille pour nous protéger !

― Ils sont trop peu nombreux pour laisser des hommes dans tous les villages de Bardogne...

― Alors qu'ils recrutent, nom de nom ! jura mon père. Je suis sûr que beaucoup de nos gars se porteraient volontaires pour défendre leurs compagnons !

Je soupirai, impuissante. Bien sûr, une patrouille permanente nous protégerait en partie... Mais notre seigneur était au courant, et rien n'était fait. La querelle entre lui et le seigneur voisin, le sire de Vaucaussin, durait depuis plusieurs générations, sans que nous en connaissions la cause. Ses gardes surgissaient sans prévenir, pillaient une grange, bousculaient les paysans qui ne se cachaient pas assez vite, puis disparaissaient avant que nos propres gardes n'arrivent. Cette situation immuable me paraissait sans espoir.

Pierre prit congé de nous devant notre porte, en m'adressant néanmoins un sourire complice, malgré notre mésaventure.

― Seigneur, Mariette ! Mathurin ! Vous n'avez rien ? Oh mon Dieu...

Ma mère nous accueillit en levant les bras au ciel, affolée. Elle n'avait pas perdu une miette du combat depuis la fenêtre de notre masure.

― C'est bon, on n'a rien, la rassura mon père. Occupe-toi plutôt du déjeuner, j'meure de faim.

Il détestait les apitoiements et les jérémiades, surtout féminines.

― Il est prêt, Jacquot n'a plus qu'à sortir les écuelles, répliqua-t-elle avec un signe de tête en direction de mon frère. Mais d'abord, va t'changer Mariette ! Tu n'vas pas manger ainsi barbouillée !

Je hochai la tête et me dirigeait vers le coffre à vêtements, rangé dans un coin de l'unique pièce de la maison. Les regards se détournèrent, habitués, pendant que j'enfilai mon unique cotte de rechange, celle d'hiver, puis la surcotte assortie. Il faudra que je m'en couse une nouvelle pour l'été prochain. Je réajustai enfin mon bonnet et les rejoignis.

― Eh bien, quelle peur vous nous avez faite ! lança ma mère quand nous nous attablâmes. Ma pauvre Mariette, t'as eu bien d'la chance !

― Ouais, Pierre n'aurais plus voulu d'toi s'ils t'avaient violée !

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant