Chapitre 18

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― Tarran m'a dit que tu progressais fort bien dans l'art du combat, me dit Henri un matin.

Après avoir assisté à la messe dominicale dans la petite église de Kerssiac, nous nous apprêtions à gagner la sortie.

― Le capitaine est indulgent. Il me reste beaucoup à apprendre, répondis-je modestement.

Je n'étais pas mécontente de mes progrès, en effet ! Je parvenais de mieux en mieux à me défendre, et mes attaques s'affinaient. Mais cela ne m'empêchait pas de rester réaliste. Je pouvais résister à un homme seul, mais contre deux il ne fallait pas y songer. Mais mon seigneur le savait parfaitement, puisqu'il assistait à toutes nos séances depuis sa fenêtre...

― Certes, mais te voilà néanmoins armée pour affronter les valets sauvages ! fit-il en riant.

La plaisanterie ne m'amusa guère, et je me bornai à sourire. Comme nous arrivions à la porte de l'église, Henri m'arrêta par le bras.

― D'ailleurs, j'ai quelques conseils à te donner... Laissons les bonnes gens sortir, nous n'en avons pas encore fini ici.

Je le regardai avec surprise, mais il se contenta de m'adresser un petit sourire amusé. Ou bien n'était-ce pas plutôt... égrillard ? Prise de curiosité, j'attendis avec lui sur le côté que le peuple du village quitte l'église. Quand le dernier villageois fut sorti en nous saluant au passage, Henri fit signe au capitaine Tarran, qui nous attendait :

― Veuillez dire aux gardes de patienter, capitaine. J'ai quelques affaires à régler avec Mademoiselle, cela pourrait prendre un peu de temps.

― Bien, Messire. Nous vous attendrons dehors.

Une fois Tarran sorti, Henrim'attrapa par le poignet et se dirigea vers le curé qui rangeait ses accessoires de messe.

― Mon père, pouvez-vous me procurer un cierge non utilisé ?

― Un cierge, mon fils ? reprit l'homme d'église, pour le moins étonné. Si vous voulez prier, il y en a ici...

― J'ai dit non utilisé. Un neuf. J'aimerais aménager un petit coin prière dans notre chambre, au manoir. Vous comprenez, nous avons déjà consommé sans être mariés...

― Oui, naturellement...

Le curé sembla se satisfaire de cette explication et se rendit dans la sacristie, mais pour ma part je lançai un grand regard étonné à mon homme. Que pouvait-il bien avoir en tête... ? Le curé revint un instant plus tard avec un gros cierge de messe, presque aussi large que ma main. Son extrémité intacte était arrondie, lisse, avec un petit bout de mèche qui dépassait.

― Je vous remercie, mon père, dit Henri en prenant le cierge. Maintenant si cela ne vous dérange pas, je vais emprunter votre confessionnal. J'ai quelques petites choses à faire avouer à Mademoiselle, avant notre mariage.

Là, je commençai sérieusement à m'inquiéter. Un mauvais pressentiment me prit. J'avais pourtant la conscience tranquille, mais dans ces instants-là on trouve toujours quelque chose à se reprocher. Avait-il découvert quelque secret qui mettrait en péril notre union ? Et pourquoi en parler dans un confessionnal ?

― Mais, Messire..., balbutia le curé, des gens attendent pour être confessés...

― Qu'ils continuent à attendre, ou bien qu'ils reviennent plus tard. Ce que je dois dire à ma future épouse risque de prendre un certain temps.

Redoublement de mon appréhension. L'affaire était sérieuse, j'allais devoir jouer serré pour me défendre. Sous les yeux effarés du curé, Henri m'entraîna vers les petites cabines en bois placées contre le mur de l'église. Il me poussa dans la cabine réservée au prêtre, la seule à posséder une porte. Elle était encadrée de chaque côté par deux autres cabines sans porte, où prenaient place les pénitents. Henri s'y engouffra après moi, puis referma la porte sur nous. La cabine, prévue pour une seule personne, se révéla vraiment très étroite.

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant