Tous les serviteurs et les villageois de Kerssiac s'étaient regroupés dans la cour du manoir. Une heure seulement après mon agression, Serge était amené par deux gardes dans l'espace laissé libre au milieu de la foule. Le capitaine Tarran, commandant des gardes, se tenait sur le côté, bras croisés, le regard meurtrier. Je savais qu'il avait suggéré à son seigneur de pendre le criminel sur-le-champ. Je m'y étais opposée, n'ayant aucun goût malgré tout pour les meurtres.
Arrivés au centre de l'espace, les deux gardes lâchèrent Serge qui tomba à genoux, les mains liées devant lui. Un grand gaillard, recruté parmi les villageois et qui faisait habituellement office de bourreau, se tenait à côté, un long fouet à la main. Henri et moi assistions à la scène depuis la fenêtre de notre chambre, dans la tour. Je n'avais pas souhaité descendre dans la cour et me retrouver si proche de mon agresseur. Je ne le craignais plus, mais ça vue me faisait horreur. De notre chambre, j'étais assez loin pour le supporter...
Henri était debout à mes côté, un bras protecteur passé autour de mes épaules. Ses yeux lançaient des éclairs. Il aurait volontiers égorgé lui-même le pourceau s'il se l'était permis. Mais le châtiment devait être publique, image-même de la justice rendue.
L'homme au fouet leva son arme et l'abattit violemment sur le dos du criminel à genoux. Serge poussa un cri de douleur et tomba en avant, mordant la poussière. Les trois lanières du fouet avaient arraché la peau, y traçant trois sillons sanglants. Un deuxième, puis un troisième coup suivirent.
Mon cœur se souleva à cette vue. Le sang, les cris, la douleur me révulsèrent. Et ce n'était que le début des cinquante coups auxquels le chevalier l'avait condamné. Je me forçai à regarder le spectacle, tâchant de garder à l'esprit son agression ignoble. Il l'avait mérité, amplement. N'avais-je pas moi-même souhaité sa mort, sur le moment ? Le fouet était plus clément... Vraiment ? Le sixième, le septième coup s'abattirent. Les cris s'étaient mués en gémissements. Son dos n'était déjà plus qu'une plaie sanglante. Huitième coup... Quand Serge s'écroula par terre, j'eus la certitude qu'il ne survivrait pas aux cinquante coups. Le chevalier l'avait condamné à mort, mais une morte lente, et horriblement douloureuse.
Je ne pus en supporter davantage.
― Henri, fais cesser cette torture, je t'en prie.
Il me regarda avec surprise, pris de cours.
― Comment ? Tu veux en rester là ? Après ce qu'il t'a fait ??
― C'est la première fois qu'un violeur est condamné au fouet, non ? Il me semble que les précédents – du moins les rares à être condamnés – étaient seulement emprisonnés pendant quelques jours...
― C'est ce que tu souhaites ? Eh bien laisse-moi te dire qu'il n'en est pas question, cette ordure aura le châtiment qu'elle mérite !
― Non, ce n'est pas ce que je souhaite ! dis-je fermement. La simple prison était une punition que j'ai toujours trouvée beaucoup trop légère. Mais cinquante coups de fouet...
― Tu es ma promise, Mariette, la future mère de mes enfants. Cela change tout.
Non, cela ne change rien, pensais-je. Actuellement, une simple paysanne pouvait se faire violer presque impunément, mais une future dame, non !
― Tous les violeurs devraient subir le même châtiment, répliquai-je. Quelle que soit la victime. Peu importe si elle est duchesse ou putain, une femme est une femme !
Henri pinça les lèvres, visiblement d'un autre avis. Je fis de même, peu désireuse de me lancer maintenant dans une querelle. Ah, c'était bien un homme. Peu lui importait une pauvre paysanne, on pouvait la violer si on voulait, elle ne lui était rien. Mais sa petite femme chérie, alors là...
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La Louve écarlate, Tome 1
RomanceRoman historico-érotique. Dans la Bretagne du XVème siècle, Mariette est une jeune paysanne, fière, courageuse, indépendante, qui va devenir la maîtresse de son seigneur. Mais de ce fait elle se retrouve soudain mêlée aux complots et vengeances qui...