Chapitre 11

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Ce fut mon frère qui vint m'ouvrir quand je frappai à la porte de notre maison. Jacquot, cette petite peste que j'aimais malgré tout, resta sans voix, bouche bée en me reconnaissant.

― Eh bien, Jacquot, je peux entrer ? demandai-je en feignant la jovialité, quand l'appréhension serrait en réalité mon cœur.

― Euh... Bah c'est-à-dire... Maman !

Mon frère qui préférait appeler sa mère plutôt que me laisser entrer, cela n'augurait rien de bon.

― Qu'est-ce que c'est ? fit ma mère en arrivant. Mariette, ça alors ! T'as le toupet de reparaître !

― Quoi ? m'exclamai-je, soufflée.

― Ça te suffit pas de nous humilier tous, faut que tu te montres chez nous en plus !

― Mais maman, qu'est-ce que j'ai fait ? demandai-je d'une voix en détresse.

Je le savais bien au fond de moi, mais j'avais espéré que mes parents se montreraient plus cléments envers mon « avancement »... Espoir futile, bien entendu.

― Ma pauvre petite, soupira ma mère, l'air davantage peinée qu'en colère. Que t'est-il passé par la tête, hein ? Te compromettre avec un homme en dehors du mariage, fallait qu'ça nous arrive ! Tout le village est au courant, penses-tu. On nous regarde de haut, nous qui avons élevé une fille débauchée, dépravée, une... Enfin, je te passerai les mots dont on te qualifie.

Je fixai la porte sans la voir, accablée. Les conséquences que je redoutais ne s'étaient pas fait attendre.

― Je suis vraiment désolée que cela vous atteigne, Maman. Mais en ce qui me concerne, j'aime le chevalier et rien ne pourra me détourner de lui.

― Surtout que maint'nant qu'il t'a souillée, personne ne voudra plus d'toi.

Je me retournai en sursaut pour découvrir mon père qui revenait des champs.

― Seigneur..., murmura ma mère. Mathurin, je t'en prie, ne t'énerve pas...

Mon père commençait déjà à voir rouge.

― Pourquoi t'es r'venue ? m'apostropha-t-il durement. T'as plus rien à faire ici. Retourne chez ton chevalier ! Qu'il te garde comme catin, puisque c'est c'que tu veux ! On a déjà bien du mal à affronter les moqueries et le mépris des gens du village, alors ne viens pas en rajouter ! Même le curé nous regarde durement, comme si c'étaient nous qui t'avions mal élevée !

― Papa, je suis vraiment désolée...

― Peuh ! Si c'était vrai t'aurais pensé à nous, avant d'te donner à cet homme. Même Pierre, ce pauvre Pierre, regrette de t'avoir fait des avances. Il s'en mord les doigts, croies-moi ! Il est venu hier nous supplier de garder sa demande secrète, que personne d'autre ne soit au courant.

― Je n'y ai pas pensé, je t'assure... Je te demande pardon...

Mon père soupira bruyamment en levant les yeux au ciel.

― Est-ce le Seigneur qui nous envoie cette épreuve ? Ou nous punit-il en condamnant not'fille ? En tout cas Mariette, ne réapparais plus ici. C'est tout c'que tu peux faire pour nous, si vraiment tu t'en soucies.

Je baissai la tête, au bord des larmes. J'avais beau m'y attendre plus ou moins, me voir ainsi chassée me brisait le cœur.

― J'étais venue récupérer mes affaires..., murmurai-je. Je vais m'installer au manoir.

― Et vivre avec lui dans le péché ? railla mon père. Et pourquoi pas, au point où vous en êtes ! Il est trop tard pour revenir en arrière, de toute façon. Maintenant que t'as ouvert la bouteille, tu vas la boire jusqu'au bout, évidemment.

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant