Chapitre 29

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Je poussai un cri strident et l'évitai de justesse en me jetant de côté. L'épais tapis amortit ma chute, mais je cherchai vainement du regard un objet qui puisse me servir d'arme.

― Ah ! m'écriai-je, quand Serge m'attrapa par mon chignon.

― Viens voir là, toi !

Je gémis de douleur, en réfléchissant à toute allure. Aubin était sorti, sa mère enfermée dans ses appartements, et si un domestique arrivait, il irait aussitôt prévenir les gardes. Peut-être que si j'arrivais à gagner du temps, Aubin reviendrait voir où j'en étais ? Mais pauvre idiote, je n'en aurai pas, du temps ! Ce fou m'aura égorgée avant ! Je devais m'en sortir seule, et vite.

Comme il me tirait à lui en me tenant les cheveux par derrière, je me souvins de mes leçons de combat avec le capitaine Tarran. Nous avions évoqué la possibilité d'un combat à mains nues. Avec un « Han ! » d'effort, j'envoyai brusquement mes coudes en plein dans le ventre de Serge. Il poussa un cri en se pliant en deux, mais hélas sans me lâcher.

― Garce !

Il me ceintura pour me jeter sur le lit – voulait-il reprendre là où il avait été interrompu dans les écuries ? – mais je roulai sur le côté en me débattant. Pour me retenir, il dut lâcher son couteau qui tomba avec un petit bruit sur le tapis. Il tenta de me ceinturer à nouveau, malgré ma défense.

Fort heureusement, j'aperçus une faille dans son attaque, comme le capitaine m'avait appris à en reconnaître. En s'efforçant de m'immobiliser, Serge venait d'écarter les jambes pour se stabiliser. J'en profitai aussitôt pour lui envoyer un violent coup de genou dans les parties intimes.

Cette fois, l'ordure se redressa en hurlant, les mains crispées sur la source de sa douleur. Sans perdre de temps, presque sans respirer, je sautai du lit et me précipitai vers la porte. En trois pas je l'atteignis, mais Serge avait déjà bondi, plein de fureur et de haine. Il se jeta sur moi et me cloua contre le mur, m'écrasant de tout son poids.

― Catin de merde, je vais te régler ton compte ! me souffla-t-il à l'oreille, tandis que j'étouffais. Je voulais profiter un peu de toi, mais tu m'en as coupé l'envie...

Il me ceintura le torse de ses bras pour me ramener vers le lit et se rapprocher de son couteau tombé à terre. Tarran m'avait appris à ne pas me débattre inutilement contre un adversaire supérieur en force, mais à chercher quelle partie de mon corps était libre pour riposter. Suivant ce principe, je cessai de me débattre et concentrai toute mon attention dans le violent coup de pied que je lui envoyai dans le tibia. Le talon de mon soulier était particulièrement dur et aiguisé. Serge hurla à nouveau, me permettant de libérer une main que je lui expédiai en plein visage, ongles en avant. Trois traces sanglantes vinrent barrer sa joue, juste en-dessous du V sur sa pommette.

Il m'agonit d'injures, me traita de noms que je ne pourrais répéter ici. J'en profitai pour ouvrir la porte et bondir dans le couloir, paniquée, en nage, le cœur affolé. Une servante à l'autre bout se figea en me voyant. Je courus vers l'escalier, mais l'animal ne me laissa aucun répit. À peine étais-je sortie qu'il se jetait déjà sur moi. Je criai de surprise et de désespoir, mais il me gifla violemment, m'envoyant rouler sur le tapis du couloir.

Il s'assit brusquement à cheval sur mon corps pour me clouer au sol. Sa position ne me permettait pas de lui envoyer mes jambes où je pensais. Grimaçant de rage, il agrippa mon cou entre ses mains et commença à serrer. La servante avait disparue. Le temps m'était compté. Non seulement avant que j'étouffe, mais aussi avant qu'elle ne ramène du monde.

J'attrapai les poignets de Serge dans mes mains, avec le vain espoir de lui faire lâcher prise. Je haletais, les larmes aux yeux. J'essayai de tirer dessus, de me débattre, mais impossible de le faire bouger. Au milieu du brouillard qui aveuglait mon esprit, je me forçai à réfléchir. Quelle partie de mon corps était libre ? Ah, bien sûr ! Au lieu d'essayer de lui faire lâcher prise – un réflexe bien inutile – je lui envoyai mes deux mains au visage en y mettant toute mon énergie, toute ma haine, et le griffai aussi profondément que possible. Il cria à nouveau, et le léger sursaut qu'il marqua me suffit pour me dégager en roulant sur moi-même. Il se reprit aussitôt, voulut me rattraper, mais je mordis férocement la main qu'il tendait vers moi. Un nouveau cri, une rage décuplée.

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant