Chapitre 34

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Quand je revins à moi, je me trouvai allongée sur l'unique lit de la cabane, recouverte d'une couverture en fourrure. La belle flambée qui brillait dans l'âtre éclairait la pièce d'une lumière tamisée, tandis qu'au dehors une nuit noire était tombée.

Je battis lentement des paupières pour chasser la torpeur qui m'engourdissait. La couverture était chaude, douce... Mais mon estomac criait famine et la douleur était toujours là, lancinante. Je voulus me redresser, quand je m'aperçus brusquement que j'étais nue. Ma cotte et ma surcotte se trouvaient sur le dossier d'une chaise, près du feu.

― Allons, allons, tout va bien, dit l'homme d'une voix calme, en remarquant mon air effrayé. N'ayez crainte, je ne vous ferai aucun mal.

Il s'assit sur le rebord du lit et me présenta un bol rempli de soupe.

― Je suis navré d'avoir dû vous dévêtir. Mais je n'avais guère le choix si je voulais soigner cette blessure. De toute manière, votre robe n'est plus mettable, souillée de la sorte.

Je bus en silence la soupe chaude et épaisse, réconfortante. Je n'osai regarder sous la couverture en sa présence, mais il me semblait bien sentir un bandage autour de mon ventre. Le garde-chasse de la forêt des Braconniers me considérait d'un regard doux, patient, attendant que je finisse mon breuvage. Il devait avoir à peine la quarantaine. Ses traits encore lisses étaient mangés par une épaisse barbe noire broussailleuse. Ses cheveux en désordre étaient rassemblés tant bien que mal en une queue-de-cheval, tandis que sa tunique, usée aux articulations, témoignait d'un long usage. Ses petits yeux noirs me détaillaient posément, sans laisser transparaître aucune émotion. Sa cabane se composait d'une seule pièce, encombrée par ses meubles aux dimensions massives : un lit, une table, deux commodes, une armoire, un coffre.

― Que s'est-il passé... ? demandai-je en lui rendant le bol.

― Ces hommes sont partis. Mais vous avez perdu une quantité incroyable de sang, je m'étonne que vous ayez pu encore tenir debout. Si je n'étais intervenu, je doute que vous y auriez survécu. À présent l'hémorragie est contenue et la plaie se referme doucement. Je vous conseille de ne pas bouger de ce lit pendant quelques jours, le temps de vous remettre. D'autant plus que ces ordures vont sillonner les routes de Bardogne pendant un moment !

Je frissonnai d'une crainte rétrospective. Peut-être avait-il raison. Je me retrouvais seule, avec cet homme pour unique rempart. Dans l'immédiat, sa maison était le seul endroit sûr où je pourrai guérir, à l'abri de mes poursuivants.

Soudain, je me demandais ce qu'il était advenu d'Aubin. Je me mis à craindre le pire. Si les gardes l'avaient maltraité, assommé, tué ? Et ses amis, avaient-ils pu s'enfuir ? Étaient-ils sains et saufs ?

― Savez-vous ce que sont devenus mes compagnons ? lui demandai-je.

― Vous étiez accompagnée ? fit-il, surpris. Et ces amis vous ont abandonnée ?

― Seule, j'avais plus de chance de passer inaperçue en me cachant, soupirai-je. L'un d'eux a tenté de retenir les gardes...

L'homme resta silencieux un instant.

― J'ignore ce qu'ils sont devenus, dit-il enfin, mais demain je tâcherai d'en savoir plus.

― Merci... Je ne sais comment vous remercier, Messire. Pour tout...

Il écarta mes remerciements d'un geste de la main.

― Je connais les agissements de ces hommes et les déteste à leur juste mesure. Mais dites-moi, demoiselle, n'est-ce pas vous qui étiez en compagnie du fils Vaucaussin, hier ? C'est de lui et de ses amis dont vous parliez, n'est-ce pas ?

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant