Chapitre 27

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Le bruit de la massive porte d'entrée qui claqua me réveilla brusquement. J'étais seule dans la pièce. Prise d'une angoisse subite, je me levai et m'habillai rapidement. Aubin était parti Dieu seul savait où, m'abandonnant dans le château de mon ennemi !

Des éclats de voix me parvinrent depuis le hall d'entrée, réveillant ma curiosité. Me rhabiller complètement était bien trop long. Je me contentai de revêtir ma robe de dessous, la cotte, en laissant mes cheveux comme ils étaient, libres. Puis je sortis discrètement dans le couloir pour me diriger vers le monumental escalier, où je me cachai derrière la balustrade en pierre. Certes, j'aurais pu rester sagement dans la chambre, mais le ton emporté de la conversation me poussait à craindre le pire. Henri avait-il fait une folie... ? Je jetai un coup d'œil par un interstice entre deux piliers.

― Mais bien sûr que c'est grave ! s'écria un homme richement vêtu, aux courts cheveux noirs et à la mine sévère, que je reconnus aussitôt. Cette garce s'est enfuie ! Elle va mettre son bâtard au monde je ne sais où !

― Mon fils, calme-toi ! lui intima la noble dame qui l'accompagnait. Ou au moins, cesse de hurler ainsi.

― Je hurlerai autant que je veux, je suis chez moi ! Mais bien sûr vous n'y comprenez rien, vous. Vous êtes une étrangère, sur ces terres, leur intérêt ne vous a jamais tenu à cœur !

― Tu dis des sottises. Ton obstination à reconstituer ce comté t'aveugle complètement, comme d'habitude.

― Naturellement, vous n'avez jamais rien compris à la raison de vivre des comtes de Vaucaussin. Vous en avez épousé un sur ordre de votre père, mais cette terre vous a toujours été étrangère !

― Sottises, mon fils, encore et toujours. Mais discuter de cela avec toi ne sert à rien, tu restes sourd à toute raison.

― Si seulement cette idiote de paysanne n'était pas tombée enceinte..., marmonna le comte de Vaucaussin en faisant de grands pas. Bardogne mort, j'aurais été réclamer ses terres à Rocheflore...

Sa mère leva les yeux au ciel.

― Tu sais très bien que le comte de Rocheflore aurait récupéré la seigneurie pour son compte.

― J'aurais pu le convaincre !

― Et une sottise de plus ! Décidément mon f...

― Mais que cette garce mette au monde un héritier, et tout est fichu ! Il ne me reste plus qu'à la retrouver et à les supprimer, elle et son rejeton.

Mon sang se glaça dans mes veines. Je me rejetai en arrière, derrière le coin du mur, blême.

― Un meurtre, rien que ça ! s'exclama la femme. Tu es plus sot que je le croyais ! Pourquoi te salir les mains et compromettre ton avenir dans l'au-delà, quand la Nature peut faire le travail à ta place ?

― Comment ?!

― Ah, enfin tu m'écoutes, fit-elle avec ironie. Tu sais pourtant que la plupart des nouveau-nés ne survivent pas à la petite enfance.

― Et que nombre de mères succombent à l'accouchement... C'est vrai, mais je préfère ne pas courir de risque.

― Mais vas-tu m'écouter, une fois dans ta vie ? s'irrita sa mère. Attends d'abord de voir si la Nature ne te facilite pas la tâche, ensuite seulement tu aviseras. D'ici à ce que l'enfant soit en âge de procréer à son tour, tu as tout le temps d'agir !

Vaucaussin resta songeur un instant.

― Humm... Ce n'est pas faux... Je vais y réfl...

― Bonjour Mère, frérot ! Déjà de retour ?

La Louve écarlate, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant