Cap Souvenirs

Chapitre 2 - A lass that is gone

Pourquoi suis-je donc revenue,

Et seule, au détour de ses rues,

J'ai froid, j'ai peur, le soir se penche,

Pourquoi suis-je venue ici, où mon passé me crucifie,

Elle dort à jamais mon enfance.

Barbara

Je réalisai que j'avais bel et bien laissé Londres derrière moi, lorsque je me retrouvai seule au beau milieu du village de Leeham, mes deux uniques valises dans les bras, renfermant l'entièreté de ma vie. Le calme régnait tout autour de moi, la bourgade côtière semblait encore profondément ensommeillée malgré l'heure tardive. Seul le bruit du vent se faisait entendre, bourdonnant dans mes oreilles de manière incessante. Je pris quelques minutes pour observer le décor qui prenait forme autour de moi, une succession de maisons grises aux minuscules fenêtres, toutes étaient espacées les unes des autres, m'inspirant un sentiment d'espace qui était jusque là étranger à la fille de la ville que j'étais. C'est alors que je pris conscience du voyage que je venais d'entreprendre, j'entrais véritablement en territoire inconnu avec, il fallait l'avouer, une appréhension certaine.

- Je peux vous aider ma p'tite dame, retentit une voix gutturale dans mon dos.

Je sursautai, me retournant pour faire face à mon interlocuteur, un vieil homme à la longue barbe crasseuse en train de fumer une pipe. Aussitôt, il ôta son béret et inclina la tête :

- Ou plutôt devrais-je dire Mademoiselle, s'excusa-t-il.

- À vrai dire, je pense que vous pouvez effectivement m'aider, avouai-je. Je dois rencontrer Maître Rheon, nous avons convenu de nous rencontrer dès mon arrivée et...

Le vieil homme se mit à ricaner.

- Vous, à voir le nombre de mots que vous mettez dans une phrase, vous venez de la ville !

Je déglutis, mal à l'aise par les manières assez peu courtoises de mon interlocuteur.

- Et vous êtes ? finit-il par demander après s'être suffisamment moqué de moi.

- Sarah Sharpe.

- Allez, venez Miss Sharpe, je vais vous emmener chez ce bon vieux Maître Rheon.

Il empoigna mes deux valises et me fit signe de le suivre. Nous marchâmes une centaine de mètres avant d'arriver au port de Leeham dans lequel dansaient une petite dizaine de bateaux, leurs drisses s'entrechoquant doucement donnant lieu à une musique agréable à mes oreilles. Nous nous arrêtâmes devant une maison un peu plus grande que les autres, trônant au milieu du port, affirmant la suprématie de ses habitants sur le reste du village.

- Voilà, Miss Sharpe, vous êtes arrivée.

- Merci beaucoup pour votre aide, Monsieur !

- À votre service, ajouta-t-il en ôtant une nouvelle fois son couvre-chef. Mais appelez-moi Martin, tout le monde me connaît sous ce nom par ici !

Sur ce, il me laissa seule devant la porte, sous le crachin qui commençait à tomber. L'après-midi touchait déjà à sa fin, et le soleil commençait à disparaître derrière une épaisse couche nuageuse qui semblait présager le pire. Je frissonnai et actionnai la cloche qui pendait à ma gauche. Je patientai un court instant avant de percevoir des pas de l'autre côté. La porte d'entrée s'ouvrit sur un homme d'une trentaine d'années en costume sombre.