Chapitre 7 - Une île de malheur

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Certains naissent pour le délice exquis,

certains naissent pour la nuit infinie.

William Blake



J'émergeai de ma profonde léthargie dans un état de faiblesse extrême, une sensation qui ne m'atteignait que très rarement. Je ne pus évidemment pas empêcher les souvenirs de cette nuit de me revenir en mémoire et, à dire vrai, je frissonnai en y songeant à nouveau. Je ne comprenais pas ce qui avait pu se passer, cette mystérieuse situation que j'avais vécue m'échappait entièrement. Pourtant, au fil de cette réflexion matinale assez intense, j'en arrivai rapidement à la conclusion que l'homme qui avait tenté de me faire peur, et avait par ailleurs réussi n'était autre qu'Alistair MacClare. Il était le seul homme présent sur l'île et paraissait, à mon sens, parfaitement capable d'accomplir de tels actes au vu des menaces qu'il avait pu proférer à mon égard, et ce, pas plus tard que la veille. Plus j'acceptai la véracité de cette accusation, plus je sentais la colère monter en moi.

En toute hâte, je m'habillai et rejoignis le rez-de-chaussée. Nous étions dimanche aujourd'hui, et comme Imelda me l'avait appris hier, c'était son jour de repos, pas de traces donc de la vieille gouvernante dans la maison. J'inspectai alors chaque pièce, j'étais certaine d'avoir entendu une vitre se briser pendant cette nuit agitée, et c'était évidemment ce que je cherchais, tentant de me prouver que je n'étais pas encore tout à fait bonne pour l'asile. Mes recherches me menant jusqu'au bureau de Thaddeus, j'y découvris qu'une vitre de l'une de ses nombreuses bibliothèques avec été brisée. Des éclats de verre gisaient sur le parquet et parmi ceux-ci, je remarquai des débris à la forme plus arrondie. Un verre avait été violemment jeté contre la porte, ce qui avait fait éclaté la transparente et fragile paroi.

J'avais donc toutes les preuves en main pour confronter mon désagréable voisin. Certains peut-être auraient eu peur de se mesurer à lui, moi pas ! Alistair MacClare ne m'effrayait pas le moins du monde, et j'étais décidée à le lui faire savoir.

J'enfilai mon manteau et sortis, prenant la direction du phare, d'un pas on ne peut plus déterminé. Une fine bruine tombait ce matin-là, et le brouillard qui assiégeait l'île la rendait presque menaçante. En longeant la falaise, j'observai longuement ces dangereux pics rocheux qui s'élevaient dans la brume et le caractère maudit de ce lieu prit alors tout son sens pour moi. Je hâtai le pas, percevant un peu partout des formes imaginaires qui semblaient se mouvoir lentement autour de moi. J'éprouvais tout à coup le sentiment de ne pas être seule, d'être observée et cela ne me rassurait pas le moins du monde après la nuit que je venais de traverser.

Bientôt, j'aperçus la stèle en mémoire des naufragés ; derrière elle, se dressait la silhouette effacée du phare de Thornholm. Je descendis les quelques marches glissantes, sentant la peur m'abandonner pour un sentiment de rancune excessif, prêt à se déverser sur Alistair MacClare. Je frappai à la porte de la petite maison en pierre blanche, attenante à l'impressionnante tour qui s'élevait à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de ma tête. Aucune réponse ne me parvint.

- Mr MacClare ? insistai-je d'une voix pressante, en tambourinant de plus belle contre la porte en bois.

Toujours aucun mouvement à l'intérieur, seul la voix douce des vagues semblait vouloir répondre à mes interpellations, malheureusement ce n'était pas après elles que j'en avais. Je patientai encore quelques minutes avant de me rendre à l'évidence, il n'était pas là. Je pivotai, prête à reprendre ma route en sens inverse, mais un bruit insignifiant attira mon attention. Je tendis l'oreille, le son se rapprochait de moi ; des pas. Et bientôt, une silhouette se détacha de la brume, remontant un sentier reliant une petite plage en contrebas.

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