De ce qu'un fait vous semble étrange, vous concluez qu'il n'est pas.
Ce qui est puéril, c'est de se figurer qu'en se bandant les yeux devant l'inconnu,
on supprime cet inconnu.
Victor Hugo
L'obscurité... Et le silence, toujours ce silence infernal se mouvant tout autour de moi, m'accablant d'une douleur que j'avais du mal à comprendre. Il était vivant, c'était même peut-être le réel habitant de cette maison qui m'était étrangère. Il semblait ne vouloir qu'une chose me pousser à la folie, abandonnant derrière moi ce manoir auquel je n'appartenais pas vraiment. Puis soudain, rompant enfin cette quiétude acérée, une voix lointaine me chatouilla les oreilles.
Où étais-je ? Je n'en avais aucunement conscience, seule la lourdeur qui avait pris possession de mes muscles ainsi que cette vive douleur transperçant mon crâne résidaient en mon corps. Mon esprit, lui, semblait flotter loin, très loin, jusqu'à n'avoir plus aucune prise sur l'enveloppe matérielle qui était sa demeure.
Une main d'une tiédeur agréable se posa sur mon front, tandis qu'à nouveau, une voix m'appelait. Je la percevais clairement, pourtant, emprisonnée dans mon marasme, je me trouvais incapable de lui répondre. Elle se fit rapidement plus pressante, déformée par l'inquiétude qui l'imprégnait. À présent, je sentis deux mains se poser sur mes épaules, me secouant légèrement pour me ramener à la réalité. Des picotements commencèrent alors à envahir mes doigts, puis mes bras et peu à peu, je retrouvai mes sensations. J'ouvris timidement les yeux, découvrant une silhouette poudroyante dans les poussières dorées qui dansaient dans les derniers rayons du soleil. Un visage se pencha au-dessus de moi, celui de Jacob Barrow.
Je crus d'abord à un rêve tant j'avais du mal à reprendre pied dans la réalité.
- Sarah, regardez-moi, insista-t-il tenant ma tête dans le creux de son bras. Que vous est-il arrivé ?
C'était une question à laquelle je ne pouvais répondre. Le dernier souvenir qui demeurait en ma mémoire était celui de ma discussion avec Imelda, la suite n'était que ténèbres. Je me relevai doucement, observant l'endroit où je me trouvais ; le grand vestibule. Jacob Barrow m'aida à me relever, me soutenant fermement pour éviter que je ne vacille.
- Que diable vous est-il arrivé ? réitéra-t-il.
- Je... Je ne sais pas, avouai-je partagée entre un sentiment de confusion et de gêne. Je crois que j'ai perdu connaissance mais je n'ai aucun souvenir de ce qu'il s'est passé.
- Je vois...
Le docteur prit alors mon visage entre ses paumes, fixant mes yeux de son ravissant regard azuré.
- Vous devez souffrir d'une commotion, Miss Gillingham, êtes-vous tombée récemment ou avez-vous reçu un violent coup sur la tête ?
Je méditai un instant sa question avant de trouver une réponse qui me paraissait convenable.
- Je pense que ça a pu m'arriver, en effet.
- Vous pensez ?
- Disons qu'il m'arrive des choses étranges depuis mon arrivée dans cette maison, murmurai-je, mon corps soudainement envahi d'une vague de froid qui me fit frémir.
- Que voulez-vous dire par là ?
Je secouai vivement la tête :
- Je ne sais pas comment vous expliquer... Je ne me sens plus tout à fait moi-même, à vrai dire, je suis constamment en proie à une peur sourde qui chaque jour semble m'étreindre un peu plus.
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Cap Souvenirs
Mystery / ThrillerUn soir d'automne, le passé de Sarah refait brusquement surface avec l'irruption de son cousin. Il lui dévoile alors un secret qui changera sa vie à jamais. Orpheline et déshéritée depuis sa plus tendre enfance, la jeune femme apprend alors qu'elle...