Chapitre 4 - Dans la maison

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Quand nous sommes seuls longtemps,

nous peuplons le vide de fantômes.

Guy de Maupassant



Il est des lieux si merveilleux où le temps semble n'avoir plus aucune prise. Les époques s'y mélangent sans que l'on puisse savoir vraiment pourquoi et il subsiste alors un ensemble indescriptible où le vétuste côtoie le neuf, où les murmures ténus du passé se mêlent au délicieux chant du présent. C'est dans un tel lieu que je pénétrai en gravissant l'ultime marche menant au grenier. Immédiatement, je fus interpellée par la quantité innombrable de curiosités en tout genre qui y prenaient la poussière depuis des années.

Pas un bruit ne se faisait entendre dans ce palais merveilleux renfermant sans aucun doute quelques siècles d'histoire. Je fis d'abord le tour de cette immense pièce, prenant soin de ne pas trébucher dans les tableaux qui encombraient ci et là le passage. Les recherches allaient s'avérer longues. Mais l'idée de me plonger dans toutes ces vieilleries fascinantes me grisait. Je pouvais presque sentir l'inspiration dans sa forme la plus pure imprégner ce lieu où le mystère régnait en maître.

Inévitablement attirée par cette étrange forme rectangulaire recouverte d'un large drap, je décidai de commencer mes prospections par l'arrière de la pièce. Méthodiquement, je commençai par ôter le tissu pour laisser surgir devant mes yeux une imposante armoire sculptée de dizaines de branchages entremêlés de feuilles dentelées et de fleurs délicates. Fascinée, j'ouvris la partie gauche où résidaient une multitude de robes et autres costumes d'une autre époque. Parmi elles, je repérai une robe blanche que je reconnus aussitôt. Cette robe, ma mère la portait lors de son mariage avec Thaddeus Gillingham. Immédiatement, la seule photographie que je possédais de mes parents me revint en mémoire, elle avait justement été prise le jour de leur mariage. Je l'avais trouvée par hasard en fouillant dans les affaires de Tante Bronagh et je l'avais volée sans jamais le lui dire. Heureusement pour moi, elle ne s'en était jamais aperçue.

J'ouvris le second battant et au même moment, une boîte dégringola sur le sol, déversant son contenu sur le plancher ; des enveloppes jaunies et bien souvent abîmées. Je m'emparai de la première qui me tomba sous la main. Celle-là était adressée à Thaddeus Gillingham, mon père et avait été écrite par ma mère depuis Limerick. Elle commençait sa lettre en lui présentant ses condoléances pour la mort de son père. Ainsi, j'appris qu'il avait perdu la vie lors du naufrage d'un navire effectuant une traversée de l'Atlantique vers les Etats-Unis d'Amérique. Je trouvai la coïncidence étrange, car bien évidemment quelques années plus tard, ce fut au tour de mes parents de périr noyés. Aoife terminait alors en confirmant à Thaddeus à quel point elle l'aimait, répondant ensuite à sa demande en mariage par l'affirmative.

Les autres lettres précédaient celle-ci et elles constituaient une correspondance précieuse qui s'était étalée sur une année, entre leur rencontre à Limerick et le départ de ma mère pour l'Angleterre. Cette immersion dans la vie de mes parents me mit rapidement mal à l'aise, car plus j'en apprenais sur eux, plus je me sentais devenir une intruse. Néanmoins, j'en appris énormément, plus que ce que j'aurais pu m'imaginer, notamment sur mon père, et à vrai dire, le personnage que je découvris au travers de ses propres mots me déconcerta. À présent, je le percevais comme un homme sombre, sûrement brisé. La seule question qui subsistait était par quoi ? Les mots de ma mère dressaient, quant à eux, le portrait d'une femme épanouie et passionnée, profondément touchée par le personnage de Thaddeus Gillingham. Je voulus savoir comment ces ceux jeunes gens que tout opposaient s'étaient rencontrés, mais malheureusement je ne trouvai pas ma réponse.

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