Chapitre 21 - La mémoire des murs

13 4 0
                                    

Un homme qui fuit sa peur peut bien découvrir qu'il n'a fait qu'emprunter un raccourci pour la retrouver.

J.R.R. Tolkien 


Une douce chaleur réveilla mon corps engourdi par l'état de léthargie dans lequel j'avais été plongée. Pendant combien de temps étais-je restée inconsciente ? Je n'en avais aucune idée. Je pris une longue inspiration et ouvris les yeux. Je fus d'abord surprise car je ne reconnus pas l'endroit où je me trouvais. Mais finalement, en sondant cette petite pièce somptueusement décorée, je l'identifiai comme étant ma chambre. Du moins, une autre version de ma chambre. La peinture était plus rayonnante, le parquet moins usé, l'atmosphère moins sinistre. Je me surpris à sourire, me sentant soudain légère en ces lieux que je semblais apprécier.

Les souvenirs de ce que j'avais vécu précédemment - mon altercation avec Imelda, ces présences qui semblaient me vouloir du mal – s'effacèrent lentement au profit d'une joie profonde qui résidait en mon cœur. Je n'étais plus tout à fait moi-même.

La porte s'ouvrit soudain, me faisant sursauter. Deux petites filles entrèrent, sautillant gaiement et chantonnant un air léger que je reconnus aussitôt. Elles passèrent devant moi, sans même me voir et allèrent s'asseoir devant une minuscule table autour de laquelle étaient déjà disposés un ours en peluche ainsi que deux magnifiques poupées. Elles étaient arrivées si vite que je n'avais pas eu le temps de voir à quoi elles ressemblaient. Je m'approchai alors d'elles et, une nouvelle fois, ce fut comme si j'étais invisible à leurs yeux espiègles.

J'eus alors un mouvement de recul. La première petite fille n'était autre que Lottie. J'en étais certaine, je l'aurais reconnue entre mille. Elle était habillée de cette même robe bleue dans laquelle elle s'était toujours présentée à moi. Cette robe était simple, bien moins jolie que celle portée par la seconde petite fille qui, je devais l'avouer, me ressemblait étonnamment. À dire vrai, Lottie et cette autre petite fille auraient pu sans aucun problème se faire passer pour deux sœurs, tant elles étaient pareilles. Elles possédaient les mêmes cheveux fauve étincelants, la même peau pâle, le même sourire malicieux. Seuls leurs yeux différaient, Lottie avait des yeux verts tandis que ceux de son amie étaient bleus comme le ciel.

Je devais être en train de rêver, c'était la seule explication à cet étonnant voyage dans le temps et dans l'espace. Je me désintéressai des deux amies pour m'approcher de la fenêtre, le ciel était encore étincelant, mais la lumière déclinante témoignait du soir qui approchait. Je quittai la chambre par la porte restée ouverte et me baladai dans les couloirs d'un Thornholm Manor différent de celui auquel je m'étais habituée. Cette maison semblait encore posséder une âme sereine, ce qui contrastait terriblement avec l'ambiance pesante et lourde que j'avais toujours ressentie entre ces murs. Je rejoignis le rez-de-chaussée où je fus frappée par la présence d'une femme à la beauté troublante. De longs cheveux roussâtres aux délicieux reflets ambrés encadraient un visage aux traits fins. Sa peau pâle pourtant étincelante dans la lumière tamisée de cette fin d'après-midi, était illuminée par deux grands yeux émeraude qui, curieusement, paraissaient être rivés aux miens. Un sourire radieux se dessina au creux du visage d'Aoife Sharpe, sans doute était-ce un hasard. Elle tourna alors les talons et se dirigea vers la cuisine. Sans tarder, je la suivis.

- Mrs Gilingham ! s'exclama avec surprise la petite femme ronde qui s'afférait aux fourneaux.

- Je vous prie de m'excuser, Mrs Rusk, je ne voulais pas vous faire peur, à vrai dire je cherchais Miss McCrory, je ne l'ai pas vue depuis ce matin, sauriez-vous où elle se trouve ? demanda ma mère, emplissant la pièce de ce ton cristallin qui semblait bercer la pièce dans une ambiance tendre et délicate.

Cap SouvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant