Cap Souvenirs

Chapitre 9 - Semper Veritas

Rien n'est complètement faux dans le monde.

Même une horloge arrêtée réussit à être à l'heure deux fois par jour.

Paulo Coehlo

La première sensation que je perçus en reprenant contact avec la réalité fut ce froid intense qui séquestrait mes membres dans une prison de raideur. Peu à peu, je repris contact avec la réalité, j'étais allongée dans mon lit et ma chambre était baignée d'une douce lueur qui peinait à percer à travers les rideaux fermés. Une image furtive me traversa l'esprit, un souvenir de la veille, ou peut-être n'était-ce qu'un rêve. Je me redressai brusquement, trop vite sans doute car pendant un court instant, les murs se mirent à tourbillonner autour de moi. Je portai la main à l'arrière de mon crâne, cherchant d'où pouvait bien venir cette douleur lancinante. Je m'attendais à trouver une bosse à l'endroit même où l'on m'avait frappé la veille, mais je ne trouvai rien de tel, ce qui m'étonna.

Doucement, je me levai et examinai la pièce qui ne portait visiblement aucune trace de ce qui avait pu s'y jouer la veille. Le tisonnier avait disparu, pourtant j'aurais juré l'avoir emmené à l'étage avec moi. Un objet attira cependant rapidement mon attention. Posée sur la coiffeuse face au lit, la petite boîte à musique semblait me toiser d'un regard de défi. Mon esprit turbina pendant quelques minutes à la recherche d'une explication à ce que j'avais vécu et très vite, la raison eut le dessus sur mes obscures élucubrations. Je devais avoir, par automatisme, redescendu cette petite boîte à musique du grenier et tout ce qu'il s'était passé n'avait eu lieu que dans mes rêves. Rassurée par cette interprétation, je traversai la pièce pour aller ouvrir les rideaux. L'aube se levait à peine et le ciel clair et dégagé annonçait une belle journée d'automne.

Je décidai de me faire couler un bain pour me remettre les idées en place. Je ne mis pas longtemps à décider de mon programme du jour, et il tenait en quelques mots à peine : apprendre la vérité sur mon père. Après ma discussion avec Alistair MacClare, de nombreux doutes m'avaient assaillie quant à la véracité des dires de ma gouvernante. Son attachement à cette demeure ainsi qu'à ma famille était indubitable cependant, je ne pouvais me résoudre à croire ce qu'elle me racontait. Thornholm Manor renfermait un secret, je le sentais au plus profond de mon âme et Imelda me cachait quelque chose, j'en étais à présent persuadée.

L'eau du bain commençant à refroidir, j'en sortis pour m'habiller. Il était encore tôt et Imelda ne devait arriver que dans la demi-heure qui suivait, je décidai donc de l'attendre dans la cuisine, prête à la confondre dès son arrivée. Je m'installai devant la fenêtre une tasse de thé fumante à la main et patientai. Ma migraine s'était évanouie et je me sentais d'attaque pour cette nouvelle journée qui commençait.

Le temps passa et jamais je n'entendis les pas de ma gouvernante claquer sur le plancher. Après une heure d'attente, je compris que ce lundi elle ne me ferait pas l'honneur de sa présence. Déçue, j'abandonnai ma tasse dans l'évier et pris la direction du bureau de mon père. Si Imelda ne pouvait rien me dire pour le moment, peut-être pouvais-je trouver les réponses que je cherchais par moi-même... Il ne m'en coûtait rien d'essayer.

Seuls quelques timides rayons de soleil avaient réussi à se frayer un passage entre l'épaisse couverture nuageuse qui surplombait l'île, me fournissant juste assez de lumière pour mener à bien mes recherches. Je les commençai par le bureau. Les deux premiers tiroirs étaient remplis de vieux papiers jaunis se rapportant à la gestion des terres familiales ainsi qu'à leurs exploitants, je n'y trouvai rien qui pouvait m'intéresser. Néanmoins, j'éprouvai un étrange sentiment en m'asseyant ainsi derrière le bureau de mon père, dans son fauteuil. J'avais l'impression que cette pièce lui était tellement chère que sa présence l'habitait toujours. Soudainement en proie à de vilains frissons, j'allumai un feu dans la cheminée avant de poursuivre mon enquête, grisée par la curiosité qui me rongeait.