chapitre 2

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Je passai le reste de la journée à l'infirmerie à pleurer comme on ne peut se l'imaginer. Ma douleur était inexplicable. En le perdant, une partie de moi s'en était allée, la moité de ma vie partie en fumée en à peine une seconde .

Mon chanteur préféré qui m'avait aidé à m'en sortir dans les mauvaises passes. Sa musique était une drogue si puissante qu'elle semblait vouloir couler dans mes veines à jamais, illustrant chacune de mes émotions, échappatoire à toutes les situations. Je le voyais comme mon double masculin; les mêmes pensées, la même folie parfois effrayante et parfois rassurante, les mêmes questions existentielles... De lui je connaissais tout, de sa vie j'avais appris la mienne. Mais il était mort maintenant et je me trouvais larguée au milieu de tout ça.

David vint peu de temps après mon coup de téléphone. Il entra dans l'infirmerie brusquement. Il m'amena à lui avec des gestes dénués de sens et incontrôlés. Il ne voulait pas que je le vois pleurer mais je sentais sa respiration difficile, fiévreuse, sous mes mains. Nous étions enlacés, à sangloter comme des enfants dans un monde qui avait perdu son soleil. L'univers Bowie semblait voué à une obscurité éternelle.

De temps en temps, m'étouffant dans mes pleurs, il reculait son visage pour plonger son regard dans le mien. Alors je me persuadais qu'il était là, devant moi. Mais ses yeux étaient verts, parfaitement symétriques, il n'avait pas cette pupille en permanence dilatée qui donnait l'impression que l'Eure couleur n'était pas semblable, il n'était pas mon idole, il avait perdu ses repères au même titre que moi. Pour la première fois de ma vie il ne me suffisait pas.
                               ***
Pourtant il m'avait complétée dès que je l'avais aperçu dans le couloir lors de mon premier jour. Un sosie de Bowie dans sa jeunesse avec son côté androgyne et sa veste à carreaux aux larges épaulettes. Il était mon idéal, je n'avais pas pensé me trouver face à quelqu'un comme lui ne serait-ce qu'une seule fois dans ma vie. Je m'étais toujours dit que pour lui je n'étais qu'une gamine et que ça ne changerait pas, mais ça m'allait. A vrai dire, pouvoir l'observer en secret avait été pour moi bien au dessus de mes espérances, ça m'avait donné l'impression d'être un peu avec ma star, et j'aimais ça.

Une fois, alors que je devais rentrer seule chez moi sous la pluie, sans la tenue adéquate bien sur, une voix m'avait lancée:

-Laisse-moi t'accompagner.

C'était David, abrité sous un large parapluie bleu brodé de rose saumon sur les bords. J'avais souris, heureuse de sa proposition, et avait hoché la tête.

Nous ne nous parlions pas beaucoup à table, plus occupé à discuter avec Katherina qu'avec les plus jeunes. Alors on pouvait dire que ça avait été une bonne surprise pour moi. Nous avions commencé à marcher tranquillement quand il avait passé son bras au dessus de mon épaule, geste qui m'avait automatiquement rapproché de lui. J'avais levé les yeux vers lui, une cigarette pendait à ses lèvres tandis qu'il regardait quelque chose sur son téléphone.

-Tu fumes? Avais-je demandé.

Il m'avait fait pour toute réponse un sourire semblable à celui de Bowie avant de lancer:

-Je suis sur que tu l'aimes celle-là, vu que c'est la base.

Les premières notes de Starman retentirent . Je l'avait observé, les étoiles dans les yeux tandis qu'il allumait sa clope en chantant de sa voix de velours pour accompagner notre idole. Il avait 15 ans à ce moment là.

Nous avions parlé ensemble pendant plus d'une demie heure sur le porche de la maison pendant que le reste de The rise and the fall of Ziggy Stardust se faisait entendre. Il faisait un peu froid, je lui avait donc proposé d'entrer un moment.

Starman ForeverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant