Les jours qui ont suivi m'ont apporté la certitude d'un répit, car dans les informations glanées, j'ai eu des codes d'accès à certaines ressources sur internet. Mon passage chez les Adraconniques combiné au ménage entamé par la Confrérie a porté un coup douloureux dans cette puissante organisation. Il m'aura fallu presque trois jours pour analyser les informations recueillies. Pendant ce temps Gwenn s'est mise à dévorer tous les ouvrages de ma bibliothèque sur le petit peuple.
Les accès confidentiels que j'ai obtenus me permettent de suivre de loin l'évolution de la situation des Adraconniques. S'ils avaient une relative autonomie d'action dans certains domaines, ils n'ont désormais plus aucune liberté de mouvement ni aucune initiative possible après le coup que je leur ai porté..
Une information d'importance a retenu mon attention : les Adraconniques ont été rattachés au gouvernement, et plus particulièrement à une unité d'enquête spéciale. De nombreuses références sont faites aux v-games et aux dangers potentiels qu'ils représentent. Les membres du gouvernement n'ont pas la mémoire courte en ce qui concerne la sécurité de leur petit pouvoir.
Ne sommes-nous pas dans un pays qui, jadis, coupa la tête de son dirigeant ? Voir de tels évènements se reproduire pend comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de chaque dirigeant. Assujettir, dominer, endormir les consciences, telles sont les choses que font les « bons » dirigeants pour conserver leur pouvoir. Et les v-games représentent un espace de liberté tellement incontrôlable que des idées nouvelles peuvent en émerger et faire un contre-pouvoir fort impressionnant ... et créer des situations ne serait-ce que virtuelles d'insurrection, comme par le passé.
Ainsi donc les Adraconniques se penchent sur les v-games, sur ordre gouvernemental d'un certain N. Qui est-il ? Je l'ignore. Je ne peux que faire des suppositions. Et ces suppositions, je n'ai pas le temps de les faire pour l'instant, je m'en occuperais plus tard. Pour l'instant, je n'ai que trop tardé à travailler avec Gwenn. Elle a appris des choses sur le petit peuple dans les multiples ouvrages qui hantent ma bibliothèque.
Une fois ces trois jours passés, nous reprenons les études des mots de magie, leur impact, leur prononciation. Gwenn apprend les mots, les assimile, les fait siens, les manipule, les charge de magie. Mais toujours, autour d'elle, je ressens comme des murs qui emprisonnent son pouvoir et l'empêchent d'exploiter pleinement toutes ses ressources. Je le sens aussi dans une sorte de frustration qui commence à émaner de Gwenn, comme si ce qu'elle travaillait n'était pas fait pour elle.
Cette frustration a lieu d'être, car ce que j'apprends à Gwenn n'est aucunement sa magie naturelle. En tant que membre du petit peuple, toute sa puissance vient du Sidh, l'Autre Monde mythique de la tradition celte. Mais il y a comme un voile sur son potentiel de petit peuple.
Une grosse semaine après notre visite au petit peuple, je décide d'aller à la Confrérie. C'est entre autre pour analyser ce voile qui la bloque, mais aussi pour évaluer la situation après notre passage et rechercher quelques livres qu'Usine y avait laissés.
Nous partons donc par un frais matin, Gwenn habillée comme à l'accoutumée et moi-même en chien/loup. Cela nous fait du bien de mettre un peu le nez dehors. Les exercices de travail sur la magie sont épuisants et donnent l'impression de tourner en rond au bout d'un moment. Nous sortons donc par un frais matin à travers les rues de Paris. On croise, emmitouflés dans leurs manteaux à la dernière mode, des gens, hommes et femmes, pressés d'aller à leur travail. Les regards sont vagues, parfois même un peu inquiets devant l'incongruité du couple que Gwenn et moi formons.
Mes pensées m'entraînent bien loin de Paris, bien loin des rues où grouille une population qui a peur d'elle-même, qui a peur de l'autre. Une population qui est apeurée chaque fois que quelqu'un ose lui adresser la parole. Il y a bien des années que je n'ai pas demandé l'heure à quelqu'un dans la rue, ni demandé mon chemin. La dernière fois, le regard d'incompréhension de la personne m'a dissuadé de renouveler l'expérience. Il avait fallu de longs mois avant que ma voisine de mon ancienne vie n'ait pas peur de moi lorsque je lui disais « bonjour » dans l'escalier. Il reste tout de même de rares personnes qui, dans la rue, renvoient un sourire lorsqu'on leur en fait un. La peur de la sociabilisation est toujours là. La peur du regard de l'autre, la peur de la simple présence de l'autre flotte toujours. Les gens ne vivent pas ensemble, ils vivent côte à côte.
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Le réveil des Sang-dragons
FantasyParis, dans un futur proche. Je suis un dragon. Je vis au milieu des humains depuis quelques temps, depuis que j'ai simulé ma mort. Je me suis retiré de la lutte ancestrale que se mènent les sang-dragons, sous l'égide de la Confrérie, et les Adrac...