Chapitre 7 : Recherches.

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Je sors mon ordinateur de poche. Je reprends mes accès aux couches internes du server de la Confrérie. Je prends mon temps et commence à déployer une passerelle entre ce server et celui des Adraconniques. Ce déploiement est long et minutieux car je ne dois pas être repéré. Cette mise en relation est pour le moins incongrue mais permettra de protéger les données des V-games.

Lorsque Raj' revient, je suis toujours sur ce déploiement. Autour de moi, les v-gamers ont commencé à déblayer, à ramasser le matériel récupérable. C'est un coup dur pour leur moral. Raj' s'approche de moi, je lui demande :
- Qui a fait entrer Bishop ?
- Je ne sais pas. Pourquoi ?
- Etoile à sept branches.
- Ah merde, bon, ok, je vais m'occuper de ça. Et toi, tu fais quoi ?
Je lui explique brièvement. Son regard montre une incompréhension majeure.
- Je peux faire héberger l'ensemble de nos v-games sur les servers de la Confrérie. Si ceux-ci sont reliés à ceux des Adraconniques, ils passeront pour des sites Adraconniques et seront donc protégés.
- Tu es un filou de première. Les Adraconniques protègeront ce contre quoi ils luttent. Tu as besoin d'aide ?
- Il y a un traître à trouver.
Le soir tombe, les v-gamers ont le moral en berne, je leur dis de rentrer chez eux. Raj' est parti sur la trace de celui qui a fait entrer Bishop dans notre groupe. Je fais la mise en place des servers. Durant le chargement des données, je prends contact avec un certain nombre de personnes. J'ai besoin de nouveaux locaux pour les v-gamers. En deux heures, j'ai trouvé ce que je cherche pour les développements : ils vont pouvoir installer les machines et les développeurs à Ivry, dans la banlieue sud-sud est de Paris. Et une heure plus tard, j'ai trouvé un autre hébergement, cette fois-ci pour les joueurs de l'immeuble. Si seuls les développements ont été attaqués, les joueurs ne sont pas à l'abri, il convient donc de leur trouver un nouvel espace. Eux seront installés vers le Nord Ouest de Paris.

Il est minuit passé quand je descends à l'étage en dessous. Des joueurs sont là, connectés pour la plupart. Certains se reposent, des fils pendouillant de partout autour d'eux. A mon arrivée, ils s'approchent de moi. Ils veulent savoir ce qu'il s'est passé. Je leur raconte que nous avons été volés et que les voleurs ont agressé un certain nombre d'entre nous. Je leur indique l'adresse que j'ai trouvée pour héberger leurs plates-formes de jeu. Ils commencent alors à déménager lentement, transmettant la nouvelle adresse aux joueurs de leurs clans. Les tours V-game commencent alors lentement mais sûrement un déménagement nécessaire et sans doute rapide. Je ressens comme une vague d'urgence, de tension au sein des divers clans de joueurs que je croise dans les escaliers et les étages. Je les aide du mieux que je peux à ranger et transporter leur matériel.
L'aube se lève, le bâtiment est vide de tout joueur désormais. J'attends tranquillement. J'ai réuni tout le matériel encore en état de fonctionner après l'agression de la nuit dernière. Il reste tout de même beaucoup de matériel. Tous les servers de sauvegarde qui étaient cachés dans le double sol sont en état de marche. Quelques ordinateurs ont été sauvés. Et surtout, sur les six interfaces de connection aux univers v-game que nous avions développées, seule une est défectueuse.
Raj' revient alors. Il est étonné de voir le bâtiment vide. Il a du sang sur sa chemise. Ce n'est pas le sien me rassure-t-il. Il a trouvé celui qui a trahi, enfin, ceux. Ils étaient trois. Il les a trouvés et a fait le nécessaire.
- Ce que j'en ai fait, mon roi en sera fier, me glisse-t-il. Bon, alors, dis-moi maintenant, où allons-nous transporter ce matériel, et où sont passés les joueurs ?
- On va transporter le matos du coté de la porte d'Ivry. Spyotech a un étage à louer dans son usine.
- Tu veux dire que nous allons développer nos v-games dans les locaux d'une usine de fabrication d'antidépresseurs ?
- Bé oui, on fait nous aussi des antidépresseurs quelque part.
Raj' part d'un rire profond. C'est un rire nerveux, par lequel il évacue beaucoup de tension. Il est tellement communicatif que moi aussi je m'y mets. On rigole à gorge déployée quelques minutes comme ça. Puis arrivent trois co-développeurs. Ils sont eux aussi étonnés de voir l'état du bâtiment. Ils nous demandent la raison de notre hilarité. Lorsque Raj' leur explique, eux non plus ne peuvent se retenir.
Une fois la crise de fou rire passée, on se met au travail et on déplace le matériel. Raj', avec les trois autres, partent en fourgonnette vers le nouveau lieu de développement. Je reste sur place, j'ai encore deux choses à faire.
La première est de prévenir l'ensemble de l'équipe de notre nouvelle adresse. La deuxième est éprouvante : je tisse un puissant sort d'illusion qui porte à croire que le bâtiment est encore occupé. Cela me prend du temps, beaucoup de temps. Je le tisse, le met en mouvement et le maintient.
Le soleil est à son zénith quand, chancelant sur mes jambes après l'effort que je viens de fournir, je quitte le bâtiment par les caves et le réseau de galeries souterraines. Je reprends le métro vers le sud de Paris. A un distributeur, je prends de quoi boire et manger, car depuis le temps, mon corps réclame de l'énergie, beaucoup d'énergie.
Je sors près de la bibliothèque François Mitterrand. Je trouve une brasserie où je m'attable. J'y reste une bonne heure à déguster une ale bien fraîche assortie de mets bons pour certains et qui ont le mérite de me remplir l'estomac. Mes pensées redeviennent lentement cohérentes. Je me dirige à pied vers les nouveaux locaux des développeurs.
Je passe quelque temps à remettre en place du matériel. Je quitte l'endroit avec Raj' lorsque la lune apparaît au-dessus des toits. Malgré mon manque de sommeil, je ne suis pas fatigué. On se dirige vers le métro. Après quelques stations et quelques changements, nous voici à la limite Nord-Ouest de Paris. On se tient tous les deux devant la large bande herbeuse du périphérique. Oui, herbeuse, le périphérique avait été couvert il y a quelques années, et dessus, le maire de l'époque avait eu la bonne idée de mettre de l'herbe. On commence à traverser.
Les bâtiments lumineux, brillant de mille feux se rapprochent. Les néons de multiples couleurs appellent au jeu, au gain facile. Le quartier des casinos, voilà où on va. Dans une ancienne zone franche où une législation particulière autorise les jeux d'argent à grande échelle. C'est un repère où se bousculent tous ceux qui aiment jouer, et de nombreuses personnes hautes placées aiment jouer. J'ai préféré emprunter le chemin aérien pour y accéder, mais de nombreux souterrains passant par les catacombes y mènent.
On approche de l'un de ces paradis artificiels et, par une porte sur le côté, on accède à un escalier. Deux personnes viennent d'en bas et montent. En les voyant, Raj' sourit. Ce sont des v-gamers. Ils montent au dernier étage, on les suit. Arrivés en haut, on constate que leur emménagement dans leurs nouveaux locaux s'est effectué sans difficultés. On les voit, allant et venant. Les écrans distillent une lueur blafarde donnant aux participants des teints étranges.
Je reste peu dans ce lieu, Raj', lui, s'installe pour jouer. Je rentre chez moi. Dehors, le froid me pique les yeux. Je bâille abondamment. Je sors du métro et me dirige à travers les rues du cinquième arrondissement vers mon immeuble. Effet du sommeil ou belle réalité, au détour d'une rue adjacente, je croise le regard amusé d'un homme dont le visage, sous son chapeau de feutre, dissimule difficilement ses longues oreilles pointues et ses yeux rieurs de Korrigan. Il semble aviné et mal en point, mais il est là, fier et souriant. Je cligne les yeux et, en les rouvrant, il a disparu.

Le réveil des Sang-dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant