Le réveil des Sang-dragons

Prologue.

Paris, gare de Lyon, au sortir d'une rame de métro, vers l'automne.

- SD ! SD ! SD !

La voix hurle dans ma tête ... Mais pourquoi ai-je fait un sort qui me renvoie ces sons aussi forts?... Qui ont-ils repéré ? Est-ce moi ? ... Il me semble que ça fait des siècles que je n'ai pas entendu cette ritournelle.

Quelques paroles et ma vue se modifie légèrement. Je sonde brièvement la chaleur ambiante, je regarde le feu intérieur de chaque être humain, un vieux truc, un des premiers que j'ai appris. Là, derrière, ils arrivent, ils sont cinq, ils ont plus chaud que les autres, leur cœur bat beaucoup plus vite, mon odorat me rapporte une très forte odeur d'adrénaline émanant d'eux, ils accourent ... vers qui ? M'ont-ils repéré ?

Une antique litanie, des mots vieux comme le monde que je prononce, mon énergie interne s'accorde avec ce que je cherche : leurs esprits, non pas pour voir ou lire leurs pensées profondes, non, je veux juste appréhender leurs pensées de surface ... ils cherchent quelqu'un et cette personne est dans une petite zone dans laquelle je me trouve. Personne autour de moi ne semble avoir réagi. Est-ce moi qu'ils cherchent ?

Les vieux instincts reviennent ... Vite, quelques mots et l'électricité ambiante m'apparait. Ces modifications de ma vue me perturbent un peu je ne l'ai pas fait depuis bien longtemps, mes autres sens sont naturellement très développés. Je sens l'électricité, je la vois, partout dans les gaines des fils électriques et un peu dans l'air ... un autre mot pour agir dessus et un éclair lézarde l'air vers le groupe de mes poursuivants. Les gens croiront à un gros problème électrique qui a malheureusement fait une victime. Mes poursuivants ne sont désormais plus que quatre et leur appareil de détection est hors service, l'écran a implosé sous la surcharge électrique.

J'essaye de capter une image de ce qu'il se passe derrière moi, je la trouve dans l'esprit d'une mémère à quelques pas. Ils sont quatre et lourdement armés, je les vois en surimpression : leur image diaphane se superpose à ce que voient mes yeux ... la vieille a un chien, un roquet par l'odorat duquel je sens le métal sur mes poursuivants. Il s'agit d'un alliage étonnant, censé ne pas être sujet au magnétisme. Ils sont donc armés.

Brièvement, je plonge dans les méandres sinueux des pensées de la foule autour de moi. Cela faisait longtemps ... il est des choses que je ne manipule pas et les pensées en font partie. Mais me laisser bercer par leurs remous vagabonds ... se laisser aller tel un oiseau sur les courants aériens des pensées, c'est très grisant ... mais pas le temps pour ça.

Mes pas me guident vers la sortie de la station de métro, vers mon lieu de travail. Mais je les sens derrière moi, ils suivent une trace, ils cherchent qui est le SD, le Sang-Dragon, qu'ils ont pisté, qui est le responsable de la mort de leur coéquipier. Je devine que c'est une équipe de néophytes car ils ont abandonné le mort derrière eux. Une équipe de confirmés serait restée pour parler avec la police ... pour brouiller les pistes. Quelques mots encore, et l'air me rapporte leur conversation. C'est une manipulation que je connais depuis tellement longtemps qu'elle en est devenue automatique. Ils réclament de l'aide. Ils réclament un autre appareil de détection et du soutien humain. Une équipe leur répond qu'elle arrive, ils ont un appareil plus récent et ils ont détecté quelque chose. Au ton de leurs voix, ce sont des confirmés.

Je vais devoir puiser dans mes réserves pour les éloigner. Je préfère les envoyer au loin que d'attirer l'attention sur moi et ainsi devoir me débarrasser d'eux. C'est un principe de survie que j'applique depuis maintenant quatre ans, depuis cette « mort » officielle qui m'a permis de vivre tranquillement, en dehors de tout ça.

Plus que cent mètres et je suis dehors. Je plonge en moi, je cherche ma puissance magique intérieure. Je ne l'ai plus utilisée depuis si longtemps qu'une douleur parcourt mon corps lorsque je l'expulse hors de moi. Autour tous les appareils électriques se brouillent pendant quelques secondes.