Le réveil des Sang-dragons

Chapitre 9 : Famille.

Une fois le deuxième message délivré, Raj' se change en furet. Il appelle l'aide d'un seigneur des cieux et un aigle le transporte à une vitesse vertigineuse vers l'ouest et le dépose délicatement au milieu d'une ville à l'occident de Paris. Et c'est ainsi qu'il déambule à travers Rennes vers la gare. Arrivé, ses narines lui rapportent une odeur qu'il n'a pas sentie depuis tellement longtemps. Il cherche du regard parmi la foule jusqu'à ce qu'il trouve ceux qu'il cherche : un homme de petite taille d'une très grande beauté. Il est roux, les cheveux mi-longs en bataille. Une barbe naissante lui mange le visage. Il sourit largement. Un étui à guitare dépasse de son dos. A coté de lui se tient une femme, très belle elle aussi, grande et blonde, les cheveux longs tombant en cascade dans son dos et sur son visage, un sourire, comme une appréhension à l'idée de revoir quelqu'un. Seul Raj' fait attention à eux, personne autour ne semble les remarquer.

Un train arrive. Les effluves ambiantes lui rapportent la présence de nombreuses armes à feu aux alentours. Il repère aisément une dizaine d'Adraconniques et d'agents gouvernementaux au milieu de la foule présente dans la gare. Gwenn descend du train. Sa respiration se fait moins vive, moins saccadée maintenant qu'elle n'est plus enfermée dans un train. Il émane d'elle une odeur d'adrénaline qui va en augmentant. Elle a coupé ses cheveux très courts et leur a fait une légère teinture cuivre. Elle est habillée de vêtements amples et sombres. Sous son manteau voletant, on peut entr'apercevoir ma sacoche. Elle avance lentement. Le bout du quai s'approche lentement au rythme de ses pas mesurés et parfois peu assurés dans cette ambiance qu'elle sent tendue. Aubéron et Titania sont là. Raj' s'est installé sur l'épaule de sa reine. Les forces gouvernementales commencent à converger vers Gwenn. Aubéron entre en action à ce moment-là.

Du dessous des trains en gare commence à s'élever un épais brouillard, une brume très dense qui enveloppe en quelques secondes toute la gare. Tout autour de Gwenn, le temps semble se suspendre, elle perçoit les mouvements plus lentement. Les gens ont arrêté de courir. Ils semblent perdus. Elle ne distingue bientôt plus que de vagues silhouettes à travers l'épais coton nuageux. Les sons de la gare s'étouffent progressivement.

La main de Gwenn, qu'elle avait posée sur la sacoche, est tendue soudain. Elle a peur. L'ambiance est un peu cotonneuse. On sent que les parents commencent à paniquer. Les enfants n'ont pas peur, pour eux, le monde devient comme dans un nuage. Elle entend quelques petites voix dire : « On dirait comme dans un rêve » et les parents de dire d'un ton angoissé : « Reste près de moi et ne dis pas de bêtise ».

Puis une voix claire retentit au loin, identique à la sienne. Cette voix dit « Vite, par là ». Elle tend l'oreille et entend les agents qui se dirigent vers ce son. Malgré cette impression de nuage ambiant, elle entend ... Les ordres transmis à travers les grésillements de leurs radios lui font comprendre qu'on les appelle tous à aller vers ce leurre.

Leurs pas se font d'abord hésitants. Puis, quelques bruits se font entendre, des bruits de course effrénée. Toutes les forces gouvernementales courent alors vers ce bruit, appelant des renforts. Pendant vingt longues secondes, retentit le bruit massif des pas des sections d'intervention qui courent vers ce qu'ils imaginent être là où se tient Gwenn.

Les bruits des pas s'étouffent laissant place à un silence pesant dans la gare. Les gens sont mal à l'aise. Ils n'osent plus bouger. Puis, lentement, le brouillard se dissipe. Les formes reprennent un aspect réel. Les milliers de petits bruits de gare se font à nouveau entendre, de plus en plus fort. Soudain, comme répondant à un signal invisible, la foule reprend son chemin, comme si de rien n'était.

La seule trace de ce qu'il vient de se passer se voit dans le regard des enfants : dans leurs yeux perce de l'amusement. Et la gare reprend vie, les petits groupes reprennent leur marche rapide qui allant vers ou qui venant d'un train.

Gwenn continue sa route et s'approche du couple Royal. Aubéron sourit largement, satisfait de ce qu'il vient de faire. Gwenn s'arrête devant cet homme roux et sa femme si belle.

- On m'avait dit que tu avais eu quelques légers soucis. Quand je suis parti à ta rencontre, ton garde du corps était légèrement occupé et risquait de rater ton arrivée à la gare. Je me suis permis de venir te chercher, tu pouvais en avoir grand besoin.

- Et qu'est-ce que vous avez fait de tous ces gens ? Ils ont disparu ... j'espère qu'ils ne sont pas morts

- Haha, non, ils ne sont pas morts ... je leur ai joué, un joli tour. Ils sont à Paris, dans les couloirs de l'Elysée maintenant. Ils déambulent en formation serrée à travers les couloirs de l'édifice présidentiel. Mais ils ne le savent pas, à travers la chape de brouillard qui les entoure toujours, ils devinent à peine qu'ils sont dans un bâtiment. Ils comprendront lorsqu'ils seront encerclés par les forces de sécurité. Et pour expliquer comment ils sont arrivés dans ce lieu ça va prendre très longtemps ... Mais assez parlé sur ce quai impersonnel, allons boire un whiskey.

Tous quatre sortent alors de la gare. Après quelques minutes de déambulations à travers les rues, ils arrivent devant une porte basse en bois massif sculptée de motifs d'entrelas divers. Aubéron ouvre la porte et les voici dans la salle chaude et chaleureuse d'une taverne que l'on aurait cru venue directement de quelques siècles auparavant. Ils s'attablent et commencent à se restaurer. Raj' redevient humain sous le regard étonné de Gwenn et tous quatre commencent à deviser à propos d'antiques légendes ... berçant Gwenn dont les nerfs particulièrement à vif ces derniers temps ne sont toujours pas au repos. Personne n'a pu lui dire où j'étais.