Chapitre 10 : Retour.

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Après avoir parlé aux corbeaux, je constate à travers la fenêtre que je suis dans l'un des multiples entrepôts désaffecté qui hantent la banlieue nord de Paris. Je replonge dans les méandres des couloirs achever ce long et lent sort que je tisse par ma danse macabre depuis la sortie de ma geôle. Je rencontre parfois une résistance de la part des forces armées occupant l'endroit. Je trouve le centre de communication du lieu. J'appelle à moi des esprits malins. Ils sont présents, autour de moi. Ils sont revenus doucement. Membres d'un peuple qui ne s'est jamais soumis aux lois physiques, ils vont et viennent entre les divers univers issus de l'humanité. Que l'univers soit onirique, mythique, réel ou virtuel, ils sont là. Ils répondent à mon appel, je leur parle brièvement de Gwenn, je leur parle de moi. Ils vont m'aider. Je les laisse se répandre dans les systèmes informatiques qui s'étalent sous mes yeux. Ils se nourriront des flux de données. Tous les sons, toutes les images vont désormais lentement être transformés par ces esprits, altérés doucement, de façon imperceptible. Toutes les données sembleront désormais justes alors qu'elles seront fausses. Et une fois que les esprits auront achevé cette tâche, ils quitteront le monde virtuel pour revenir dans le monde réel, repus de s'être nourris de ces flux virtuels.

Je reprends ma lente litanie élaborée pendant la danse macabre. C'est une accumulation de vieux chants qui consacrent le lieu dans lequel je suis à d'antiques divinités. Des noms prononcés dans des langues oubliées, des mots écrits dans des alphabets inusités depuis des siècles ... et au loin j'entends des bruits de bois qui grince. Ma conscience émerge doucement pour constater que je suis dans un vaste hangar désert. Les signes que j'ai tracés commencent à luire. Des morts commence à s'écouler un flot carmin ... dans le vaste lieu où je me trouve, je m'accorde sur la magie ambiante. Les flux et reflux magiques me pénètrent. Tout humain a en lui une parcelle de magie. Les Adraconniques refoulent cette magie au plus profond d'eux-mêmes, la bridant et l'empêchant de se révéler. A leur mort, cette magie se libère. C'est cette magie qui se répand dans les couloirs du vaste complexe.

Un rire rauque se fait entendre juste derrière moi. Je me retourne et trouve en face de moi un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d'un large feutre. Il se tient devant une carriole tirée par trois chevaux. A la main, il tient une faux dont le tranchant est tourné vers l'extérieur.

- Eh bien, me dit-il. Voilà bien longtemps que de tels mots n'avaient pas été prononcés. Tu rappelles les vieilles légendes à ce que je vois. Tu auras mis bien longtemps à redevenir toi-même. Oh oui, bien longtemps.

- Oui, je me suis perdu en chemin.

- Et tu t'es retrouvé. Qu'ont donc fait tous ces gens pour que tu en appelles à moi ?

- Ils en veulent à la descendante de Titania et d'Aubéron. N'est-il donc pas légitime que j'en appelle à l'Ankou pour leur rappeler que les légendes sont vraies ?

Son rire rauque s'élève et il part à travers les couloirs maintenant déformés par les effluves magiques et le rite que je viens d'accomplir. L'Ankou part à la recherche des dernières âmes à moissonner.

- Souviens-toi du chemin de lune, ce chemin qui mène à l'arbre où l'on s'est rencontrés la première fois, me lance-t-il.

Mes souvenirs me reviennent en mémoire. C'était en Bretagne, une nuit fraîche et venteuse. Un petit crachin venait buriner mon visage. J'étais bien jeune. Robert avait juste commencé mon apprentissage. Le regard qu'il posait sur moi était toujours bienveillant. Cette fois-ci, il avait l'air grave. Sur le chemin de côte que nous arpentions, nous ne voyions pas grand' chose malgré la pleine lune. Trop de nuages. Et puis soudain, Robert m'a regardé, il m'a fait un clin d'œil et il a sauté par-dessus la falaise en disant : « continue seul ».

Le réveil des Sang-dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant