Chapitre 19 : Vider pour remplir.

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La lune monte, Vénus est là, brillante. Les appareils posés au centre semblent se réveiller, émettant une sorte de bourdonnement. Je les prends et les mets dans la voiture, contre l'endormi. La clairière est baignée d'une lumière blanche et pure. L'air est doux et le vent fait bruisser les feuilles des arbres alentour. Les animaux nocturnes se font entendre. Ma compagnone s'allonge sur la stèle menant à la grotte de la révélation. Je me mets face à Vénus, les bras tendus. Ma perception s'étend et les ondes magiques qui m'entourent me chatouillent les sens.

Je plonge mes mains au sein des forces magiques qui s'éveillent. Elles sont de plus en plus fortes. Je prends mon temps pour que les chemins qu'elles empruntent se déplacent. Bylihld a ouvert un chemin de lune menant dans un monde très proche. Lors de l'éveil de Gwenn, la brèche entre les deux univers pourra se faire simplement, inondant les lieux de toute sa magie. En attendant, je travaille patiemment. Je trace des chemins entre les mondes pour que la magie ne s'épande pas.

Je suis baigné de sueur et je sens mon énergie qui se vide. La lune a dépassé son zénith depuis quelques heures. Bylhild m'a aidée en arpentant les chemins de lune alentour pour les faire se rejoindre et tisser des barrages déviant la magie. Ma bouche est sèche et les mots commencent à sortir péniblement de ma gorge irritée. Mes bras et mes doigts sont parcourus de crampes.

Lorsque le premier rayon de soleil pointe, je m'écroule à terre, vide. La langue pendante, Bylhild vient à moi et me tire jusque dans ma voiture.

- Puisse ce breuvage t'apporter l'inspiration, dit la chienne en ouvrant une cruche en terre cuite.

Elle avait pensé à en prendre une sans que je ne le vois. Elle fait glisser le breuvage entre mes lèvres. Il me revigore un peu. J'ai juste assez de force pour prendre la cruche à deux mains et boire goulûment. Quelques gouttes s'écoulent le long de mon menton. Je repose la jarre lorsqu'elle est vide. Je respire rapidement avec de grandes goulées d'air. Mes mains tremblent. Je plonge la main de ma besace et en ressort des galettes de céréales que je croque. Je me force à manger lentement. Je reprends des forces sous un soleil naissant. Dans le 4x4 à coté, j'entends du bruit. L'homme s'est réveillé. Il cesse de s'agiter. Je l'entends marmonner, comme s'il était au téléphone. Je m'approche pour écouter ce qu'il dit, lorsqu'il pousse un soudain hurlement qui déchire le silence.

En entendant ce cri, je me précipite sur Byhild. Je la prends dans mes bras et plonge le plus loin possible de la voiture. Une monstrueuse explosion se produit. Le souffle me projette au loin, à l'autre bout de la clairière. Je sens les flammes me lécher le dos. Sous la chaleur, mes vêtements partent en cendre. Ma peau me brûle. J'entends le rire sadique d'un esprit mauvais se réjouissant de la destruction qu'il apporte, un démon qui exprime toute sa cruauté à travers cet éclat rauque et malsain.

Il m'a vu et se jette sur moi. Je sens ses doigts brûlants me labourer le dos. Je n'ai presque plus de forces. Dans un ultime effort, je prononce un mot, un seul et unique mot que je charge de toute la vie qu'il me reste encore. Une tempête se lève, déchaînant des pluies torrentielles.

Le feu s'éteint dans un cri de désespoir et de douleur de l'esprit qui l'habitait. Je n'ai plus de forces, plus d'énergie pour faire fonctionner mes fonctions vitales. Je sens l'eau contre mon corps comme dans un rêve. Mon esprit s'est détache de mon corps. Je vois Bylhild traînant ma carcasse sur un chemin de lune. Le sentier est bien mal en point, le souffle destructeur de l'explosion a eu des répercutions sur les mondes alentours. La chienne, vaillante et forte, me hisse hors de portée de la tempête. Elle sent mon corps se refroidir et se couche dessus pour le réchauffer. Elle me parle, dans le creux de l'oreille.

- Qu'il est étrange et peu banal qu'un dragon se meurt en protégeant une vie. Tu n'es qu'un nourrisson au regard de ton espèce et il est temps que tu grandisses. Mon père m'a toujours dit que pour mieux se remplir, un récipient se doit d'être complètement vide. Et tu es vidé, petit dragon, alors remplis-toi.

Le réveil des Sang-dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant